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RESSOURCES HUMAINES 18 avril 2024

Comment se porte le volontariat ? Le point avec la PFV à l'approche des élections

À quelques mois des élections, MonASBL.be – l’un des sites de l’Agence pour le non-marchand – continue de se faire le porte-voix du secteur associatif. Cette fois-ci, nous nous sommes intéressés à un moteur essentiel pour les ASBL : les volontaires. Pour cela, nous nous sommes entretenus avec Milèna Chantraine, secrétaire générale de la Plateforme francophone du Volontariat (PFV).

Quels sont les grands enjeux actuels du bénévolat ? Quelles mesures urgentes devraient être mises en place pour les prochaines législatures ? A quelques mois des élections, nous avons posé ces questions à Milèna Chantraine, secrétaire générale de la Plateforme francophone du Volontariat.

MonASBL.be : Quels sont les principaux constats concernant le volontariat en Belgique ?

Milèna Chantraine : Nos constats sont liés à la dernière étude sur l’engagement citoyen en Belgique de 2019, et des échos du terrain (des associations, des acteurs publics ou encore des citoyen.ne.s qui s’engagent ou qui souhaiteraient s’engager).

Le premier élément qu’on observe, c’est que même s’il y a une volonté d’inclusion des bénévoles - pour permettre que tous.te.s celles et ceux qui veulent donner un coup de main puissent le faire - certaines démarches administratives restent problématiques

Prenons le cas des personnes qui perçoivent une allocation de chômage : elles doivent encore remplir un formulaire pour pouvoir faire du bénévolat. Cela peut paraitre simple, mais quand on doit imprimer ce document, le remplir et se déplacer jusqu’à son organisme de paiement, finalement c’est très éloigné de la simple envie d’aider. 

MonASBL.be : Vous souhaitez donc que cette démarche soit supprimée ?

Milèna Chantraine : Oui, nous demandons la suppression du C45B. Encore aujourd’hui, cela fait partie du cadre législatif, or on sait que c’est un obstacle au volontariat, qui coûte de l’argent à l’Etat et qui est contreproductif pour les associations et les citoyen.ne.s. C’est quelque chose de concret qui peut se faire facilement.

Le temps : « le frein principal à l’engagement des bénévoles »

MonASBL.be : Au-delà des démarches administratives, quelles autres observations avez-vous pu faire ?

Milèna Chantraine : Un deuxième élément – qui ressort des études à l’étranger, en France ou en Suisse, et des personnes que nous entendons sur le terrain – c’est la question du temps. C’est le frein principal à l’engagement des bénévoles

Quand les activités sont en journée, c’est plus compliqué si on travaille. Parfois, les bénévoles doivent aussi suivre des formations : c’est du temps en plus, mais qui est nécessaire pour se sentir à l’aise dans son engagement.

Ainsi, nous considérons que c’est important d’accorder du temps aux personnes qui s’engagent comme volontaires. 

Cela vaut aussi pour les responsables qui doivent encadrer les bénévoles (les recruter, les accueillir, les accompagner, les remercier...). On se rend compte que malgré l’importance de ce rôle, il reste insuffisamment reconnu dans en termes d'organisation car les ASBL manquent de moyens financiers et humains. Et il n’est pas rare que les responsables de volontaires le soient sur un temps partiel, en plus de leurs tâches. Or des études montrent que leur présence a un impact positif sur le bien-être des bénévoles.

MonASBL.be : Que pourraient faire les pouvoirs publics pour cette question du temps ?

Milèna Chantraine : D’abord, nous souhaitons que les pouvoirs publics considèrent cette question dans leur prochaine déclaration. Une des pistes - pour les bénévoles qui ont un emploi - serait des congés citoyens, permettant de libérer du temps pour l’engagement volontaire. Il y a aussi la question du temps qui pourrait être donné aux étudiant.e.s, qui pourraient s’absenter des cours et être justifié.e.s.

On est conscient.e.s de la réalité institutionnelle belge et nous sommes ouvert.e.s à en discuter. Par exemple, s’il y a des discussions autour du temps de travail, on souhaite que le bénévolat soit bien considéré.

Ensuite, il y a la question du soutien aux associations qui passe par la pérennisation de leurs moyens financiers et du financement de l’emploi pour encadrer les volontaires.

« Une ASBL qui peut compter sur des subventions pérennes se sent moins dans l’urgence, et cela a un impact sur l’activité bénévole »

MonASBL.be : Dans votre mémorandum, vous évoquez ce soutien à l’action associative, pouvez-vous expliquer le lien avec le volontariat ?

Milèna Chantraine : On sait qu’une ASBL qui peut compter sur des subventions pérennes se sent moins dans l’urgence et cela a un impact sur la gestion et l’activité des volontaires. L’ASBL n’y a plus recours par souci financier mais elle observe la plus-value et le sens de l’activité volontaire à d’autres niveaux (au niveau de son fonctionnement, du lien des bénévoles avec le public qui peut être différent, etc.)

Pour les ASBL qui sont ric-rac au niveau financier, le bénévolat est une solution de secours mais qui ne peut pas tenir sur le temps long car le sens du volontariat se trouve dans le fait de participer à défendre une société plus inclusive, d’avoir de nouvelles idées, d’acquérir des savoirs et compétences complémentaires. Et puis, cela peut créer des tensions entre les volontaires et les salarié.e.s. 

Lire aussi : Employés et bénévoles : comment éviter les conflits

MonASBL.be : Avez-vous un dernier constat sur le bénévolat ?

Milèna Chantraine : Oui, troisièmement, c’est la possibilité de s’engager en se sentant à l’aise dans son engagement. 

Je pense par exemple aux administrateur.trice.s volontaires. Les ASBL font face à de nouvelle couches législatives et administratives – notamment avec le Code des sociétés et des associations (CSA) – et les volontaires de gestion n’ont pas toujours le temps de se mettre à jour. 

Même chose pour un.e volontaire qui donne un coup de main pour les colis alimentaires ou l’aide sociale. Tous les jours, il ou elle va être en première ligne face à un public de plus en plus précarisé, avec des besoins de plus en plus importants, et cela crée un environnement qui peut être stressant, difficile. Il y a une désillusion qui peut être présente. Ce serait important d’avoir des espaces de formation ou même de discussion informelle qui puissent être remboursés. 

La question de la formation pour les volontaires - à tous les niveaux - est importante. Cela permettrait aux bénévoles de se sentir à l’aise dans leur volontariat mais de pouvoir acquérir de nouvelles compétences.

Des jeunes moins engagés ? Une idée reçue.

MonASBL.be : Est-ce que vous constatez une difficulté de recruter des bénévoles ?

Milèna Chantraine : Selon une étude de 2022, un tiers des associations qui faisaient appel à des volontaires considérait que la crise du COVID avait toujours un impact négatif sur le nombre de volontaires mais elles étaient optimistes

En Belgique, nous n’avons pas la chance d’avoir des études récurrentes sur le volontariat donc nous n’en avons pas de plus récentes. En France, en revanche, les dernières études sont assez positives : même si on n’est pas revenu au niveau d’engagement avant le COVID, il y a augmentation notable entre 2022 et 2023 et on s’en rapproche.

Ce n’est pas pour autant que les défis du recrutement ne restent pas importants, car la crise du COVID a changé les habitudes gens. Petit à petit, le volontariat se replace dans la grille horaire des citoyen.ne.s et on est optimiste au vu des chiffres qu’on voit en France.

MonASBL.be : Qu’en est-il de l’engagement des jeunes ?

Milèna Chantraine : Contrairement aux idées reçues, une étude en France montre que la tranche des moins de 35 ans est la seule à être plus nombreuse qu’en 2019, avec un engagement chaque semaine.

En Belgique aussi les études montrent qu’il n’y a pas d’âge pour s’engager : un volontaire sur trois a plus de 60 ans, mais ils sont plus nombreux dans la population, et un volontaire sur cinq a moins de 30 ans. 

Si les jeunes sont de plus en plus présent.e.s, il y a un repli de l’engagement des plus âgé.e.s. Différents facteurs sont mis en lumière dans l’étude française : leur soutien est fort sollicité par les proches, ils / elles ont besoin de temps pour s’adapter aux changements entre la fin de l’activité professionnelle et l’entrée à la retraite, et le profil des babyboomers.

En effet, ces personnes n’ont pas connu la Deuxième Guerre Mondiale, elles n'ont peut-être pas connu les structures d’engagement collectifs (syndicats, etc.) et ont plutôt expérimenté la société de consommation. Une fois à la retraite, ils / elles sont plutôt dans une posture de profiter de ce moment, après des années à avoir travaillé, et ne veulent pas tout de suite avoir des contraintes.

Connaitre les tendances pour mieux s’adapter

MonASBl.be : Ce sont effectivement des tendances intéressantes et importantes à connaitre pour les ASBL.

Milèna Chantraine : La PFV demande d’avoir une mesure récurrente de l'engagement volontaire en Belgique, et c’est aussi pour les associations. Car plus on a des tendances et au mieux elles vont pouvoir recruter et encadrer les volontaires. C’est essentiel pour les responsables de terrain pour s’adapter.

S’intéresser aux nouvelles générations et à leur mode d’engagement, c’est pertinent pour que les associations puissent renouveler leurs équipes. Pour s’adresser à la fois à celles et ceux qui ont plus de temps parce qu’ils / elles partent à la retraite mais aussi aux jeunes qui ont la volonté de se sentir utile, de faire quelque chose de concret, de faire collectif.

Lire aussi : Sept arguments clés pour inciter les jeunes à devenir bénévoles

MonASBL.be : Justement, comment les ASBL peuvent-elles attirer des bénévoles ?

Milèna Chantraine : Il y a une réflexion à se faire au niveau des activités de volontariat : par exemple, quelle flexibilité au niveau horaire les associations peuvent proposer ? Car cela va impacter le fait qu’elles trouvent ou pas des gens.

S’il faut être présent tous les jeudis de 9h à 13h, cela peut être un frein pour les personnes qui travaillent ou qui sont aux études. Et on sait que ce sont les personnes qui sont plus les plus engagées car le taux d’engagement augmente selon le niveau socio-économique et le niveau des études.

Si c’est vraiment nécessaire que l’activité se fasse à ces horaires, il faut viser les demandeurs d’emploi, des personnes à la retraite ou des personnes porteuses de handicap qui auraient des horaires arrangés, par exemple.

MonASBL.be : Nous sommes à quelques mois des élections, est-ce que la concertation politique est suffisante selon vous ? Est-ce que vous pensez que le volontariat est considéré à sa juste valeur ?

Milèna Chantraine : La saison des rencontres avec les politiques va bientôt se terminer. On a entendu une volonté d’écoute et on veillera à ce que cette volonté de concertation soit maintenue. Il faut rester prudent car ces rencontres se font dans un contexte électoral et aujourd’hui personne ne va dire que le bénévolat ne sert à rien. 

Lors de la période de crise sanitaire et sociale, le Conseil Supérieur du Volontariat (CSV) a été fort bypassé et fort peu concerté. On a vu une amélioration depuis que le CSV a alerté sur le manque de concertation en 2022 - il avait déjà alerté en 2020 et 2021 – et on va veiller à ce qu’elle reste d’application après les élections.

La concertation et le soutien du CSV ça fait partie de nos revendications, car le cadre légal belge n’est pas du tout acquis dans d’autres pays européen, on a la chance de l’avoir. Et c’est important que cette sécurité des volontaires continue.

Caroline Bordecq