MonASBL.be : Contrairement à d’autres structures, les milieux d’accueil de la petite enfance n’ont jamais fermé leurs portes depuis le début de la crise sanitaire…
Cécile Van Honsté : Effectivement. Ils ont continué à accueillir les enfants sans effectuer de tri. Des enfants dont les parents étaient en première ligne mais également des enfants fragilisés attachés notamment au SAJ. Et puis, il y avait aussi les enfants où la seule solution de garde était les grands-parents. La situation a été très variable d’un lieu à l’autre, en fonction de la situation des publics accueillis. Certains lieux ont enregistré 0% de fréquentation durant cette période, d’autres 30%. Globalement, cette situation a une nouvelle fois martelé le clou : l’accueil de la petite enfance est un secteur essentiel qui favorise le bien-être des enfants et où la priorité est le soutien aux familles. Il permet de lutter contre la pauvreté et favorise l’égalité des chances.
"Les mesures financières se révèlent insuffisantes pour combler le trou budgétaire"
MonASBL.be : Actuellement, quelle est la situation économique des structures de la petite enfance ?
Cécile Van Honsté : Difficile… Les fédérations du secteur, les syndicats ou encore l’ONE se battent pour soutenir ces lieux. Si les parents ne mettaient pas leurs enfants à la crèche durant le confinement, ils ne payaient pas. Pour nous, face à cette situation, il était indispensable que les autorités débloquent des fonds afin de proposer des indemnités à la hauteur des pertes subies. Les milieux de la petite enfance en Communauté française sont soit subsidiés partiellement soit ne le sont pas du tout. Ceux qui le sont partiellement reçoivent une aide financière qui couvrent uniquement certains emplois. Cela montre que peu importe le modèle de financement des structures, la participation des parents est essentielle. Si cette dernière n’existe plus, une indemnisation, une compensation financière est indispensable pour garantir la santé financière de tous ces lieux. Les mesures financières débloquées jusqu’au 17 mai ont le mérite d’exister mais dans les faits elles se révèlent insuffisantes pour combler le trou budgétaire. Elles ne permettent pas d’assurer la viabilité financière des structures sur le long terme. Ces dernières ont dû assumer des frais incompressibles lors du confinement, des frais qui ne sont pas supportés par les subventions. Exemple ? Le salaire du personnel d’entretien ou administratif ainsi que de puéricultrices supplémentaires, le loyer, les assurances…
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MonASBL.be : Le 4 mai dernier, le déconfinement a débuté dans notre pays. Comment les milieux d’accueil abordent-ils cette nouvelle phase ?
Cécile Van Honsté : Comme ils peuvent. Nous avons la chance d’avoir des milieux d’accueil créatifs, réactifs, qui placent en premier lieu le bien-être des enfants, de leur famille ainsi que des équipes. Il a fallu trouver des solutions locales au niveau de chaque crèche. Si la débrouille est de mise, ces lieux ont certainement besoin de davantage de soutien, d’accompagnement et de mesures financières fortes de la part des pouvoirs publics. Cela leur permettra de vivre une réouverture progressive sereinement. Or, aujourd’hui, la situation sur le terrain est compliquée. Nous observons des tensions entre des milieux d’accueil et des familles. En cause : dès le 18 mai, la logique imposée par le gouvernement a été de stopper les indemnisations qui palliaient les pertes au niveau des participations. En gros, les milieux d’accueil ont besoin que les parents payent même s’ils prennent la décision de ne pas mettre leur enfant. Et puis, il y a un fort sentiment d’inquiétude face à l’avenir. Certains lieux d’accueil craignent de ne pas survivre à cette crise et déplorent un manque de reconnaissance criant de la part des pouvoirs publics. Or, je le répète, ce secteur est indispensable à notre société !
"Certains parents ont perdu leur emploi. Dans ce contexte vont-ils encore mettre leur enfant à la crèche ?"
MonASBL.be : Le 30 avril dernier, le Conseil National de Sécurité a annoncé que dès le 18 mai, il y allait avoir un retour comme avant le confinement. Le secteur a donc seulement eu deux semaines pour s’y préparer.
Cécile Van Honsté : Les milieux d’accueil n’ont pas attendu l’ONE ni les pouvoirs publics pour prendre leurs dispositions et se fournir en masques notamment. Ils sont réactifs, débrouillards et ce avec peu de moyens à disposition. Aujourd’hui, l’ONE et le gouvernement se sont engagés à fournir le matériel adéquat au secteur même si tout le monde ne l’a pas encore reçu.
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MonASBL.be : Quelles sont aujourd’hui les attentes des milieux d’accueil de la petite enfance ?
Cécile Van Honsté : Ils veulent des perspectives financières sur le long terme. Or, cela manque actuellement. Le montage financier, même en dehors de la crise du coronavirus, est complexe. On ne gagne pas d’argent en milieux d’accueil. En temps normal, c’était déjà difficile. C’est pour cela que la réforme MILAC avait été lancée pour refinancer un secteur qui manquait cruellement de moyens. La période du Covid n’a certainement pas amélioré la situation. Elle a eu comme effet d’augmenter les frais et a été et est une grosse source d’angoisse. Les milieux d’accueil survivront-ils à la crise ? La question est sur toutes les lèvres. Il y a des risques réels d’assister à la fermeture de milieux d’accueil. Certains parents ont perdu ou vont perdre leur emploi. Dans ce contexte vont-ils encore mettre leur enfant à la crèche ? Voilà pourquoi tous les acteurs du secteur se battent pour éviter ce scénario qui serait catastrophique humainement. Sans compter, qu’on ne peut pas se permettre de perdre de précieuses places dans les milieux d’accueil. Notre fédération fait tout pour éviter cette issue dramatique. Nous accompagnons au mieux les milieux d’accueil et faisons pression sur le gouvernement pour obtenir des garanties.