1. Pourquoi collecter des fonds ?
Diversifier ses ressources
Une ASBL qui dépend exclusivement de subsides prend un risque réel. Un changement de majorité politique, une révision budgétaire ou un retard administratif peut fragiliser ses finances. La collecte de fonds, qu’elle soit ponctuelle ou régulière, permet d’assurer une continuité et de donner plus de liberté d’action.
Autonomiser l’association
Lever des fonds par soi-même, c’est aussi s’émanciper partiellement des pouvoirs publics. Cela permet de financer des actions qui ne rentrent pas dans les cadres réglementaires ou les appels à projets. Par exemple, une collecte peut financer un projet pilote, un service de proximité ou encore la communication autour d’une action.
Renforcer le lien avec sa communauté
La collecte de fonds ne sert pas seulement à trouver de l’argent : c’est aussi un outil de communication et de mobilisation. Un don, même modeste, engage le donateur et crée un sentiment d’appartenance. Une campagne réussie renforce la visibilité de l’ASBL, élargit son réseau et fidélise ses sympathisant·es.
2. Les grandes catégories de collecte
La collecte auprès des particuliers
Il s’agit des dons, qu’ils soient ponctuels ou réguliers. Le prélèvement mensuel via domiciliation est une forme très stable qui permet aux ASBL de planifier leurs budgets.
Exemple : L’Ilot, une association de lutte contre la pauvreté, fonctionne en partie grâce aux dons citoyens, qui peuvent être ponctuels, réguliers ou sous la forme de leg.
La collecte événementielle
Organiser un événement festif ou culturel est une manière efficace de récolter des fonds tout en créant du lien. Cela peut aller d’une soirée de gala à une brocante solidaire en passant par un concert ou un repas communautaire.
Exemple :
- Une maison de jeunes organise chaque année un tournoi de football solidaire dont les bénéfices servent à financer les activités estivales ;
- L’ASBL Les Frangines propose d’associer un événement privé (mariage, naissance, anniversaire, départ à la pension, etc.) à une collecte solidaire au profit de ses actions sociales. Les proches sont invités à faire un don directement à l’association, avec possibilité de déduction fiscale.
Sponsoring et mécénat
Les partenariats avec des entreprises peuvent prendre deux formes. Le sponsoring implique généralement une contrepartie en visibilité (logo sur des affiches, communication ciblée, etc.). Le mécénat, lui, est plus désintéressé mais peut aussi ouvrir le droit à une déduction fiscale.
Exemple : Engie finance la rénovation écologique des locaux d’une ASBL culturelle et, en tant que sponsor, demande l’installation d’une plaque avec son logo.
Lire aussi : Sponsoring ou mécénat : quelles options pour financer votre ASBL ?
La collecte en ligne
Le crowdfunding (financement participatif) est devenu un incontournable en termes de financements de projets associatifs. Des plateformes comme KissKissBankBank, Growfunding ou Ulule permettent de toucher un large public et de mobiliser les communautés, familles et amis. Les réseaux sociaux sont aussi un puissant outil de collecte, en particulier lorsqu’ils permettent de raconter une histoire (storytelling).
Exemple : l’association Femmes de Droit a lancé une campagne sur Ulule pour financer l’édition de son livre Le Secret. Cette campagne leur a permis de vendre un millier d’ouvrages.
Lire aussi : Avez-vous déjà pensé au crowdfunding ?
Les grands donateurs et fondations privées
Certaines associations parviennent à mobiliser des philanthropes ou des fondations. Cela nécessite un travail relationnel plus important et une vraie capacité à démontrer l’impact du projet.
Exemple : une fondation accorde 50 000 € à une ASBL pour créer un lieu d’accueil spécifique aux besoins des enfants autistes.
Lire aussi : Comment les fondations peuvent-elles aider les ASBL ?
3. Comment choisir la bonne méthode ?
Le choix dépend de trois critères :
- La taille de l’ASBL : une petite association de quartier aura plus de chances de réussir une tombola locale qu’une campagne nationale de dons récurrents ;
- Les objectifs : financer une action ponctuelle (événement, achat de matériel) ou sécuriser le fonctionnement à long terme ;
- Les ressources disponibles : nombre de bénévoles, temps du personnel, compétences en communication, réseau de sympathisant·es, etc.
Mini-checklist pratique
Avant de se lancer, l’ASBL devrait se poser les questions suivantes :
- Combien voulons-nous récolter ?
- Quel public voulons-nous toucher ?
- Qui, dans l’équipe, pilotera la collecte ?
- Avons-nous déjà une base de sympathisant·es, une communauté à mobiliser, notamment sur les réseaux sociaux ?
- Quel canal correspond le mieux à nos moyens ?
4. Les étapes clés d’une collecte réussie
Définir un objectif clair
Les campagnes les plus efficaces traduisent un grand objectif en actions concrètes et mesurables. Par exemple, plutôt que de dire « Nous voulons lutter contre la pauvreté », dites « 10 € permettent de financer un repas chaud ». Cela parle directement au donateur : il sait qu’avec sa contribution, il finance un repas précis pour une personne, ce qui rend son geste tangible et motivant. Pour inspiration, voici quelques exemples sectoriels qui montrent comment le donateur peut financer un impact clair et immédiat plutôt qu’une idée générale :
- Jeunesse : « Avec 25 €, vous financez l’inscription d’un·e jeune à un stage d’été » plutôt que « Nous voulons favoriser l’accès aux loisirs pour les jeunes » ;
- Culture : « Avec 12 € vous offrez une place de théâtre à une personne qui n’a pas les moyens d’y aller » plutôt que « Nous voulons rendre la culture accessible » ;
- Environnement : « Chaque don de 15 € permet de planter un arbre dans la commune » plutôt que « Nous voulons protéger la nature » ;
- Santé : « Un don de 30 € couvre les frais d’une séance de soutien psychologique pour une femme en difficulté » plutôt que « Nous voulons promouvoir la santé mentale ».
Identifier la cible
Chaque collecte doit être adaptée à son public. Un particulier ne réagit pas de la même façon qu’une entreprise ou qu’un ancien membre de l’ASBL. Plus vous segmentez vos publics, plus votre campagne sera efficace.
- Les particuliers : ils donnent généralement des petits montants, mais en grand nombre. Ce public est sensible à des messages simples et concrets (« 10 € = 1 repas », « 12 € = 1 place de théâtre »). Utilisez des canaux accessibles (réseaux sociaux, newsletter, stands lors d’événements, etc.) ;
- Les entreprises : elles cherchent souvent une visibilité ou un alignement avec leurs valeurs. Proposez-leur un partenariat clair (logo sur vos supports, invitation à vos événements, mention dans votre rapport annuel) et adaptez votre discours : parlez d’image de marque, de responsabilité sociale et de valeur ajoutée pour elles ;
- Les anciens membres et sympathisant·es : ce sont souvent vos meilleurs allié·es. Ils et elles connaissent déjà vos activités et ont une histoire avec votre association. Personnalisez vos appels (« En tant qu’ancien bénévole, vous savez combien votre soutien compte… ») ;
- Les familles et proches : pour des petites ASBL, ce cercle est souvent le premier levier de financement. L’approche doit être chaleureuse, personnalisée et basée sur la confiance ;
- Les grands donateurs : ils demandent une approche relationnelle plus individualisée. Il faut prendre le temps de les rencontrer, leur expliquer les impacts concrets et leur proposer un suivi régulier de l’utilisation de leur don.
Conseil pratique : créez un tableau de segmentation avec vos publics cibles, leurs motivations, les canaux les plus adaptés et le type de message qui fonctionne. Cela vous permettra de concevoir des campagnes sur mesure, plutôt que d’envoyer un même appel générique à tout le monde.
Préparer la communication
Un message efficace est avant tout clair, sincère et concret. Trop de collectes échouent parce que le discours est trop vague (« soutenez-nous », « aidez notre cause ») ou trop technique. Pour convaincre, votre message doit raconter une histoire compréhensible par tous. Voici quelques conseils pour optimiser votre communication :
- Choisissez les bons canaux en fonction du public que vous ciblez : une plateforme de crowdfunding, un événement, un mailing, ou une campagne sur les réseaux sociaux ;
- Restez concrets et simplifiez le langage : évitez le jargon ou les formulations trop abstraites. Préférez « Avec 20 €, nous finançons le matériel pour un atelier » à « Nous favorisons la participation citoyenne à nos activités culturelles » ;
- Soyez sincère : parlez des réussites mais aussi des défis. Les donateurs apprécient l’authenticité et la transparence (« Nous avons besoin de 3 000 € pour organiser ce camp, mais à ce jour il nous manque encore 800 € ») ;
- Appuyez-vous sur des visuels : une photo de bénéficiaires participant à un atelier, une vidéo de témoignage ou un court clip d’un bénévole expliquant pourquoi il s’engage ont bien plus d’impact qu’un long texte ;
- Faites témoigner : la parole des bénéficiaires ou bénévoles est plus convaincante que celle de l’ASBL seule. Un témoignage authentique donne un visage et une voix à votre projet.
Conseil pratique : constituez un « kit de communication » adapté à vos campagnes, intégrant des visuels pertinents, une citation appropriée, des données chiffrées fiables et un message explicite. Ces quatre éléments suffisent souvent à construire un appel efficace, que ce soit sur une affiche, un mail ou les réseaux sociaux.
Lancer la collecte
Le lancement est un moment crucial : il donne le ton et conditionne souvent le succès de la collecte. Pour maximiser vos chances, préparez cette étape avec soin :
- Commencez par un cercle rapproché : avant de rendre la campagne publique, sollicitez vos bénévoles, membres de l’OA, partenaires ou proches. Voir que la campagne démarre déjà avec quelques dons rassure les futurs contributeurs (« Si d’autres ont déjà donné, c’est qu’il s’agit d’un projet sérieux ») ;
- Fixez un objectif clair et atteignable : votre objectif doit être réaliste. Mieux vaut afficher un objectif de 5 000 € et le dépasser, que viser 50 000 € et stagner au milieu ;
- Créez un rendez-vous de lancement : un événement physique (soirée, conférence de presse, concert), ou un lancement digital (live Facebook, campagne par courriel et/ou sur les réseaux sociaux) peut créer une dynamique initiale et attirer l’attention des médias.
- Mobilisez vos relais : préparez à l’avance des kits de communication (visuels, textes courts, hashtags) que vos bénévoles, partenaires ou sympathisants pourront relayer facilement dans leurs propres réseaux ;
- Entretenez le rythme : une campagne ne doit pas rester figée après son lancement. Préparez déjà quelques étapes intermédiaires (« Nous avons atteint 50 % de notre objectif ! », « Il nous reste 10 jours pour réussir ») afin de maintenir l’élan jusqu’à la fin.
Conseil pratique : mettez en scène la progression de la collecte (thermomètre visuel, compteur en ligne, mise à jour régulière sur les réseaux). Les donateurs aiment voir que leur geste fait avancer la campagne concrètement.
Suivre et remercier
Remercier les donateurs est essentiel. Il ne s’agit pas seulement d’un geste de courtoisie, mais d’une manière de créer un lien durable. Un don ponctuel peut ainsi se transformer en engagement régulier, voire en partenariat à long terme.
- Un remerciement rapide : envoyez un message dans les jours qui suivent le don. Plus la reconnaissance est immédiate, plus elle montre que vous prenez vos contributeurs au sérieux ;
- Un remerciement personnalisé : utilisez le prénom du donateur et, si possible, rappelez le geste et son impact (« Merci, Sophie, votre contribution de 25 € nous permettra de financer deux repas »). Cela crée un sentiment d’importance individuelle ;
- Des formats variés : selon vos moyens, cela peut être un courriel chaleureux, une carte postale, une courte vidéo de l’équipe ou des bénéficiaires ou encore une invitation à un événement de restitution ;
- Entretenir le lien : remercier, c’est aussi amorcer la suite. Proposez de suivre vos actualités, d’assister à une rencontre ou d’être informé de la prochaine campagne.
Conseil pratique : prévoyez dès le départ un « plan de remerciement » dans votre collecte. Par exemple, un courriel automatique pour chaque don, une publication collective sur les réseaux à mi-parcours et une vidéo de clôture pour montrer les résultats obtenus.
5. Quelles sont les obligations légales et éthiques ?
Transparence financière
Les donateurs doivent savoir où va leur argent. L’ASBL doit donc publier un rapport d’activités et ses comptes annuels.
Respect du RGPD
Dès lors qu’une ASBL récolte des données personnelles (nom, adresse, e-mail), elle doit garantir leur confidentialité et expliquer leur usage.
Le label AERF
En Belgique, l’Association pour une Éthique dans la Récolte de Fonds (AERF) encadre les bonnes pratiques. Obtenir ce label peut renforcer la confiance des donateurs.
6. Moments et événements propices
Certaines périodes sont plus favorables à la générosité. La fin d’année est souvent un moment clé, car beaucoup de particuliers souhaitent soutenir une cause avant Noël. Le GivingTuesday, journée internationale dédiée à la solidarité, est aussi une occasion à saisir. Enfin, les événements sportifs ou culturels locaux (courses, festivals, marchés) offrent des contextes idéaux pour organiser une action de collecte.
7. Collecter pour exister, pas pour remplacer
La collecte de fonds n’est pas réservée aux grandes ONG : avec une méthodologie, même une petite ASBL peut mobiliser son réseau, sécuriser ses projets et renforcer sa légitimité. Diversifier ses ressources, c’est gagner en autonomie et réduire sa dépendance au seul financement public. Mais il ne faut pas s’y tromper : la collecte n’a pas vocation à remplacer celui-ci. C’est avant tout un outil complémentaire, une stratégie de survie dans un contexte où l’État se désengage, où les gouvernements annoncent réduire les moyens accordés aux associations et où les délais ou contraintes administratives fragilisent encore davantage le secteur.
On peut regretter qu’il faille en arriver là, car le financement structurel du tissu associatif reste une mission fondamentale des pouvoirs publics. Pourtant, dans l’état actuel, la collecte devient un levier indispensable pour tenir le cap, maintenir des services essentiels et continuer à répondre aux besoins des populations.
Au-delà des chiffres, c’est aussi une manière de fédérer : chaque donateur devient un allié, chaque campagne un espace de dialogue entre l’association et ses publics. Collecter, c’est rendre visibles ses actions, impliquer les citoyens et démontrer l’impact concret de son travail. Et si la collecte ne devrait jamais remplacer les subsides, elle peut être ce souffle d’air qui permet de tenir, d’innover et de continuer à défendre des missions essentielles, même dans un climat politique défavorable.
Si la collecte de dons devient un moyen de survie, rappelons qu’il reste du devoir des pouvoirs publics de donner aux associations les moyens de vivre et remplir pleinement leurs missions.