L’hybridation des ressources financières des ASBL n’est pas un concept neuf. En effet, il n’est pas rare de rencontrer des associations dont les sources de financement mélangent à la fois cotisations, dons et subventions publiques (pour n’en citer que quelques-unes).
Ce financement hybride s’explique par le fait que « ce que produit une ASBL intéresse plusieurs publics : les bénéficiaires directs évidemment, mais aussi les pouvoirs publics, les membres, la collectivité locale, etc. ; cela justifie des financements multiples », expliquait déjà en 2012 Michel Marée, auteur de l’enquête « Comment se finance le secteur associatif ? » au sein de l’Université de Liège.
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Les 4 nuances du modèles hybride
Les modèles hybrides, par définition, font appel à différents modes de financement : vente de biens et services, dons, cotisations, financements publics, mécénat... Et multiplie également les ressources non financières : le volontariat, le prêt de matériel... sont également des ressources qui nourrissent le modèle hybride.
En France, le principal financeur des structures de l’Economie Sociale et Solidaire (France Active) a publié « Le modèle économique d'utilité sociale », dans lequel il revient sur la question de l’hybridation des financements.
Dans ce guide, les auteurs et auteures accordent un intérêt tout particulier à la question du recours à des ressources marchandes sans perdre de vue le sens et les valeurs de l’organisation. « La partie marchande ou économique peut s’imbriquer de plusieurs façons avec le projet social de la structure. Il convient d’être vigilant sur l’utilisation de cette ressource, pour ne pas perdre son âme et garder le cap sur son projet social », peut-on-lire.
Ainsi, selon France Active, l’association a le choix entre 4 modèles de financements hybrides :
Le modèle intégré
Il s’agit ici d’une activité économique qui est pleinement intégrée dans le projet social. Cela est par exemple le cas des Petits Riens dont l’activité économique permet une insertion professionnelle à des personnes sans emploi et en situation de précarité.
Le modèle redistributif
Dans ce modèle, le ou la bénéficiaire peut participer en fonction de ses moyens et la perte occasionnée est compensée par d’autres, comme des subsides par exemple. Ce sera par exemple le cas d’un commerce solidaire qui propose des prix à moindre coût ou encore une association culturelle qui donne un accès à prix réduit pour certaines catégories, et les pouvoirs publics complémentent le financement.
Le modèle complémentaire
Dans ce cas, l’activité économique est au service de l’action. On pense par exemple à des ASBL qui publient des magazines dans le but d’informer et sensibiliser sur les thématiques qu’elles défendent et qui sont déjà soutenues par les cotisations des membres. La vente du magazine n’est pas une activité lucrative centrale mais elle permet d’atteindre un plus grand nombre de personnes.
Le modèle accessoire
Ce type d’activité est très souvent dissocié de l’activité principale d’utilité sociale. Cela peut être par exemple l’organisation d’un repas ou encore une ASBL qui sera rémunérée par un tiers pour la réalisation d’une étude.
Le contexte belge
Comme annoncé au début de l’article, de nombreuses ASBL belges ont déjà recours à des ressources hybrides. Et ce, même si la part de financement public reste encore largement majoritaire : 82% des associations en bénéficient et pour elles, cette source de financement représente 58% des revenus totaux. La Belgique est d’ailleurs parmi les pays européens où le financement public représente la principale ressource financière, selon une étude de l’Observatoire de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative en France.
Toutefois, les évolutions sociétales (digitalisation, impacts environnementaux, augmentations des besoins sociaux...), politiques et législatives de ces dernières années poussent (ou vont pousser) de plus en plus les ASBL à repenser leur modèle économique. Souvent, cela passe par une moindre dépendance aux financements publics et un recours à de modèles hybrides. En effet, pour Fanny Dethier, chercheuse spécialisée sur les modèles financiers des associations, si les montants des aides accordées aux ASBL ne diminuent pas, leur accès est de plus en plus compliqué. Si bien que certaines associations, comme l’ASBL Eco-Vie, préfèrent s’en passer.
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Parallèlement, l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations a marqué un moment-clé dans le rapprochement des associations aux pratiques marchandes. En effet, si depuis mai 2019 les associations peuvent exercer sans limite des opérations commerciales et industrielles, en 2029 elles ne pourront plus se l’interdire formellement dans les statuts. Attention : cela ne veut pas dire que les ASBL seront obligées d’exercer des activités commerciales.
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Les ASBL qui se laisseront toutefois tenter par des modèles hybrides et qui auront recours à des activités telles que la vente de biens et services devront être très attentives aux implications fiscales. En effet, elles pourraient alors tomber sous le régime d’impôt des sociétés.