En 2023, les associations namuroises ont vu leurs subventions communales diminuer. À l’exception de celles qui luttent contre la précarité. En cause : un déficit budgétaire de plusieurs millions d’euros. Dans cet entretien accordé à MonASBL.be, Maxime Prévot, bourgmestre de la ville de Namur, évoquent des difficultés économiques qui n’épargnent aucun niveau de pouvoir et qui vont devenir structurelles.
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"La ville de Namur, qui avait des finances saines, s'est retrouvée en décrochage budgétaire"
MonASBL : Pourquoi avez-vous décidé de réduire les subventions aux associations en 2023 ?
Maxime Prévot : La ville de Namur a toujours été assez généreuse avec son tissu associatif, qu'il soit social, culturel, sportif, etc. Ce qui me semble tout à fait normal puisque ce sont les impulsions du secteur privé, les orientations de l'autorité politique et les engagements associatifs qui créent la dynamique d'une ville.
Néanmoins, l'état des finances communales - de manière générale en Belgique et Namur n'échappe pas à la règle - s'est détériorée en raison de l'inflation, de l'explosion du coût des chantiers, des indexations salariales, des coûts énergétiques, des charges de pension, des reports de charges financières des autres niveaux de pouvoir sur le dos des communes, de la gestion de la crise ukrainienne, des surcoûts liés à la pandémie ou encore aux inondations... Pour ne donner qu'un petit échantillon. Et la ville de Namur, qui avait des finances saines, s'est retrouvée en décrochage budgétaire avec un déficit conséquent de plusieurs millions d'euros.
Pour pouvoir conserver une ligne de flottaison, nous avons donc dû d'abord et avant tout réduire nos dépenses. Ce qui veut dire être plus contrariant à l'égard des recrutements de personnels, on ne remplace qu'un départ sur quatre désormais à la pension, réduire nos propres crédits de fonctionnement au niveau de tous les services communaux et réduire aussi la voilure des subventions accordées à des tiers.
"Par exemple, les subventions affectées ont été diminuées de 10%"
MonASBL : A quelle hauteur les subventions ont-elles été diminuées ?
Maxime Prévot : Nous avons décidé de réduire de 20% les crédits thématiques non affectés. C’est-à-dire le montant de l’article budgétaire des échevins sans qu'il ne soit dédicacé à telle ou telle association. Par exemple, si avant un échevin avait une enveloppe de 200.000 euros, maintenant il n’en a plus que 160.000.
Ensuite, les subventions affectées, c'est-à-dire des subventions tellement récurrentes d'année en année qu’il y a des lignes budgétaires spécifiques pour ces associations, ont été diminuées de 10%. Par exemple : un groupe théâtral ou un festival de musique qui reçoit des subsides chaque année. Dans ce cas, les associations connaissent le montant annuel qu'elles reçoivent, il y a de la prévisibilité et c'est pour cela qu'on réduit plus modestement.
Seule exception : on a diminué de 5% la subvention à notre ASBL communale de gestion des crèches. On ne pouvait pas l’immuniser de l’effort collectif mais on est aussi conscient que c’est un secteur pour lequel il y a des projets importants à soutenir et développer. On ne voulait pas tirer le frein à main trop violemment.
Par ailleurs, les ASBL en lien avec la précarité ont été totalement exonérées d'efforts. C’est-à-dire, les ASBL de banque alimentaire, les associations type Restos du cœur, de soutien et d'accompagnement aux sans-abris, etc. Sinon ça aurait été une double peine car ce sont des publics qui risquent d'être plus nombreux.
Enfin, les acteurs culturels qui bénéficient d'un contrat programme ont aussi été exonérés puisque nous sommes contractuellement engagés de manière pluriannuelle sur une certaine somme.
MonASBL : Au total, à combien correspondent ces diminutions ?
Maxime Prévot : Cette réduction des subventions fait économiser à la ville près d’un 1,5 million d’euros.
"Les finances communales ne vont pas devenir radieuses pour les trois ou quatre ans qui viennent"
MonASBL : Dans la pratique, est-ce que certains secteurs ont été particulièrement touchés ?
Maxime Prévot : Ils sont tous concernés mais évidemment dans des proportions différentes. Il y a historiquement des volumes de subsides plus importants pour les acteurs culturels et sportifs que, par exemple, pour les acteurs du développement durable.
En revanche, on a veillé à prévenir tout le monde dès le mois d'octobre 2022, dès que la décision a été prise, pour qu'ils puissent en tenir compte dans l'élaboration de leur budget.
MonASBL : Les difficultés dont vous parliez touchent plus largement la région wallonne ?
Maxime Prévot : Oui, toutes les communes sont confrontées à ces mêmes difficultés. Ce sont des éléments externes à la gestion communale qui nous impactent. C'est ça qui est assez frustrant. Nous étions l'une des rares grandes villes de Wallonie à pouvoir se prévaloir d'être à l'équilibre et d'avoir même près de 20 millions d'euros de bas de laine de côté. Les choses se sont dégradées à une vitesse depuis trois ans, mais comme pour tous les pouvoirs publics d’Europe. C’est la même chose pour la Région, pour l'État fédéral.
MonASBL : A quoi faut-il s’attendre pour les années à venir en matière de financement communal pour les ASBL ?
Maxime Prévot : Les finances communales ne vont pas devenir radieuses pour les trois ou quatre ans qui viennent. Toutes les communes vont rester dans des difficultés qui vont devenir désormais structurelles.
La perspective la plus plausible, c'est que le niveau des subventions qui a été fixé pour cette année 2023 sera le même en 2024 et 2025. Ça ne repartira pas à la hausse, ça c'est sûr. Mais je pense que ce serait trop difficile pour les associations si on devait à nouveau diminuer.
Maintenant, il faut avoir un discours de vérité. La situation financière n'étant pas la plus agréable dans les communes, si du côté de nos autorités de tutelle, et donc du côté du gouvernement wallon, il y a des exigences complémentaires quant à la part d'efforts que les communes doivent faire, personne ne peut exclure que le secteur associatif ne sera pas encore impacté.
"Ce sont des manières indirectes, via des aides en nature, de pouvoir soulager leur trésorerie"
MonASBL : Est-ce que la ville de Namur aide autrement les associations ?
Maxime Prévot : Il y a évidemment les aides logistiques et en nature. On a un service de prêt de matériel, on a aussi la capacité d’être partenaire dans leurs projets, ce qui permet de mettre à disposition des salles à titre gratuit. Ce sont des manières indirectes, via des aides en nature, de pouvoir soulager leur trésorerie.
MonASBL : Et ceci ne bougera pas ?
Maxime Prévot : Non, on n'a pas changé là-dessus.
MonASBL : Comment est-ce que la ville sélectionne les projets associatifs qui sont soutenus ? Est ce qu'il y a des critères récurrents ?
Maxime Prévot : Non. Il y a une telle diversité de projets liée à une telle diversité de situations que de vouloir tout cadenasser ferait qu’on devrait laisser de côté des projets de qualité au motif qu'ils ne rentreraient pas dans la bonne case.
Donc je pense qu'il faut, à l'échelle du terrain, au niveau local, se garder la marge de souplesse. Ensuite, quand l’échevin propose de ventiler son enveloppe d’une certaine manière, c'est lui qui assume politiquement la proposition, qui la défend et qui la justifie au conseil municipal. Les montants et les motivations sont transparents.
MonASBL : À ce sujet, est-ce que la ville a mis en place des dispositifs en matière de transparence sur l’octroi des subsides ?
Maxime Prévot : Toutes les délibérations du conseil municipal en la matière sont accessibles sur internet.
Propos recueillis par Caroline Bordecq