« J’espère que la Première ministre sait que l’on existe », lance Isabelle Jans, coordinatrice auprès de la fédération Aires Libres des ASBL des secteurs des arts de la rue, du cirque et des arts forains. « Outre les spectacles, le confinement empêche les répétitions. Que ce soit le théâtre ou le cirque, difficile de garder une distanciation sociale. »
L’association Z! qui organise le festival Esperanzah, estime avoir 200.000 euros de déficit. « Le fonds d’urgence de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’élève à deux millions d’euros pour les arts de la scène, et ce, pour la première période de confinement », continue-t-elle. « Autrement dit : ce ne sera pas suffisant. On ne sait rien pour les montants qui suivront. Ce qui est sûr, c’est qu’on va avoir besoin d’aide pendant longtemps. »
Chômage temporaire : pas pour tous
L’ONEM se montre plus souple par rapport à la notion de force majeure. Pour autant, selon Isabelle Jans, les artistes et techniciens sont quasiment tous des travailleurs intermittents qui, si leur contrat n’a pas débuté avant le 13 mars, ne peuvent toucher le chômage temporaire pour force majeure. « Certains contrats ont été mis en place, mais pas forcément signés », continue la coordinatrice. « Du coup, ils touchent presque deux fois moins au chômage. Notre lobbying se concentre actuellement sur ce point auprès de la ministre fédérale de la culture. »
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Pas de remboursement des frais
Si des ASBL ont engagé des frais, elles ne toucheront aucune compensation selon elle. « Pour le moment, rien n’est prévu. Les aides des Régions sont réservées aux PME et aux indépendants, pour les ASBL il n’y a quasiment rien ! »
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Elle ajoute que la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peut lever des ressources propres. « Elle dépend de la dotation accordée par les accords fédéraux. Elle peut s’endetter, mais comme elle est déjà sous-financée, elle devra répercuter cette dette sur une longue durée. Si aucun impôt spécial n’est prévu pour tout ça, je ne vois pas comment on pourrait sauver toutes les structures de notre secteur. »
Isabelle Jans estime n’avoir pas de conseil précis à donner aux associations lors de cette crise sanitaire. « Elles savent déjà qu’il faut réduire ses frais. Or la majorité des frais, ce sont les salaires. Si le fédéral pouvait prendre en charge au moins ce chômage de force majeure, et si la Fédération Wallonie-Bruxelles maintient comme prévu ses subventions et met en place un fonds d’aide complémentaire, on pourrait s’en sortir. »
Plus de rentrées pour la danse
Pour Jeremy Lepine de l’association Dance Corner, la coupe est pleine. Son ASBL gère trois écoles de à Namur, Court-Saint-Étienne & Bruxelles et représente plus de 200 associations de dance. « Avec le confinement, on a reporté nos cours », dit-il. « On risque de ne pas rouvrir avant les grandes vacances. Le souci, c’est que ce sera très difficile de reporter après l'été les spectacles, car la saison doit reprendre en septembre. » Les ASBL de danse ont touché les abonnements de leurs membres, si bien que les seules rentrées d’argent qui leur reste sont les spectacles et les stages des vacances. « La plupart ont pu mettre leurs employés au chômage, mais il faut continuer à payer les assurances, le loyer et les frais engagés pour les spectacles. Certains dirigeants d’ASBL paniquent et ne dorment pas. »
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La majorité des membres se montrent solidaires notamment, car les cours sont actuellement reportés. « On pensait les annuler en invoquant le cas de force majeure, mais comme la ministre des Sports a fait un arrêté qui prévoit que l’on doit faire des bons à valoir, on ne pourra même plus rembourser quoique ce soit. Ces bons ne font que reporter le problème et ne renfloue pas notre manque à gagner. » De nombreuses écoles de danse font des cours par Skype, « mais au-delà d’un mois ou deux, c’est difficile. Il faut payer des profs sans avoir de futures rentrées. »
Priorité aux Centres culturels
Jeremy Lepine ne compte pas sur le ministère de la Culture pour obtenir des soutiens. « Les Centres culturels et les structures de diffusion culturelle rafleront les grandes parts du gâteau, nous n’aurons que les miettes », déplore-t-il. « On se partagera les restes avec la jeunesse et les autres secteurs. » En cause selon lui : une vision élitiste de la culture auquel la danse ne fait pas partie. « Les arts amateurs n’appartiennent pas à la notion intellectuelle soutenue par la Culture. Ainsi, on a souvent le sentiment de faire partie de la culture. Un service de la danse existe, mais le vadémécum de celui-ci indique qu’il ne soutient que la chorégraphie contemporaine : on ne parle pas des autres styles de danse ni d’interprétation. » D’autres subsides comme ceux des Centres d’Expression et de Créativité nécessitent des procédures lourdes et compliquées à ses yeux. "Il faut définir un certain nombre d’acteurs en extérieur, les filtrer avec un programme culturel global pour finalement obtenir 5.000 à 25.000 euros. Vu la charge de travail, ça ne sert à rien. Il faudrait simplifier ces procédures."
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À l’inverse, les aides de l’ADEPS sont beaucoup plus simples à obtenir que celles de la culture. « Les subventions sont données à l’heure. On doit recevoir entre 4.000 et 7.000 euros par an. Les procédures sont bien plus faciles que dans la Culture : l’ADEPS aide tous les acteurs, des touts grands aux plus petits. » Jeremy Lepine espère que des fonds seront dégagés pour le secteur de la danse, ainsi qu’une levée des charges. « Nous sommes très déçus du gouvernement. Nous sommes seuls, et devons avancer par nous-mêmes. »