Les ASBL - et autres institutions - agréées doivent désormais collecter le numéro de registre national des donateur.trice.s, pour tous les dons reçus depuis le 1er janvier 2024. Dès 2025, ce numéro devra être indiqué sur les déclarations émises via Belcotax, avant le 1er mars.
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Le but ? Permettre aux donateur.trice.s de bénéficier le plus facilement possible de l’avantage fiscal auquel ils/elles ont droit, explique le SPF Finances interrogé par MonASBL.be. En effet, grâce au numéro national la personne pourra être identifiée avec certitude et sa déclaration d’impôt pourra être pré-remplie.
Jusqu’à maintenant, les ASBL devaient communiquer uniquement le nom, le prénom et l’adresse du/de la donateur.trice au fisc, « ce qui entraîne régulièrement des erreurs. De plus, dans le cas des homonymes provenant de la même commune, la libéralité peut être associée à la mauvaise personne. Le numéro national est le seul moyen d’identifier individuellement chaque donateur, de sorte que de telles erreurs ne se produisent plus », insiste l’administration fiscale.
A vos agendas : Le Fundraisers Forum organise, en collaboration avec l'ASBL Récolte de fonds Ethique (RE-EF), une session d'information en ligne à ce sujet jeudi 18 Avril à 10 heures. La participation est gratuite, mais l'inscription obligatoire.
Collecter le numéro national, mais pas n’importe comment ?
L’obligation s’imposant sur les dons reçus depuis le 1er janvier 2024, les ASBL doivent d’ores et déjà organiser la collecte de cette donnée. Celle-ci ne peut pas se faire n’importe comment.
Le numéro national peut-il être indiqué dans la communication libre d’un virement bancaire ?
« Exiger que le numéro de registre national soit ajouté à la communication au moment du transfert nous semble illicite et disproportionné », observe le SPF Finances.
L’administration rappelle que le numéro de registre national est une donnée à caractère personnel spécifiquement protégée par la loi. Dans ce contexte, les ASBL peuvent collecter et traiter les données personnelles des donateur.trice.s uniquement dans le but de les communiquer au SPF Finances et de délivrer une attestation fiscale.
Le virement bancaire étant utilisé à des fin comptables, par exemple, il y a un risque que la communication libre de ce dernier (sur laquelle apparait le numéro national) « se retrouve dans des écritures comptables ou des livres de comptes », illustre l’administration.
La collecte dans le respect de la protection des données
Les ASBL peuvent collecter le numéro de registre national de différentes façons : par exemple, via un formulaire sur internet, une plateforme de dons en ligne, ou encore en demandant aux donateur.trice.s de les communiquer par email, ou éventuellement par courrier.
Pour Erik Todts, président de Récolte de fonds Ethique ASBL (RE-EF), membre de Coalition Impact, l’important étant de « protéger le flux d’informations » et de respecter les règles en matière de la protection des données (le RGPD). Pour cela, il conseille de « désigner au sein de l’association une personne en première ligne », en charge de collecter le numéro national.
Collecter les données lors du recrutement en rue ?
Toujours dans un souci de protection de cette donnée sensible, Erik Todts déconseille aux ASBL de procéder à la collecte du numéro national au moment du recrutement de donateur.trice.s en rue, souvent réalisée par des jobistes. Il suggère de le faire dans un second temps.
Vérifier et encoder les données
Une fois le numéro national collecté, il faut le contrôler - à l'aide d'un calcul expliqué par la Direction générale des Affaires citoyennes - puis l’encoder dans la base de données des donateur.trice.s de l’ASBL, pouvant être un tableau Excel. Le président d’ASBL prévient déjà : tout cela « va coûter du temps et de l’argent ».
Des points à clarifier
A ce stade, certains points nécessitent encore d’être clarifiés. Coalition Impact – qui représente des centaines d’ISBL et met l’accent sur une utilisation efficace et transparente du temps et des ressources, y compris les dons du public – les a résumés et a interpellé le SPF Finances pour avoir des précisions. Le réseau assure qu’il lancera une nouvelle communication dès qu’il aura des réponses, que nous ne manquerons pas de relayer.
« Il y a des choses qui sont encore un peu floues, notamment sur une question essentielle : est-ce que cela suffit d’envoyer [le numéro national] via Belcotax ou est-ce qu’il faut également le mentionner sur l’attestation fiscale [délivrée au / à la donateur.trice] ? », interroge Erik Todts.
Ce dernier rappelle également que certaines ASBL ont des milliers voire des dizaines de milliers de donateur.trice.s et se mettre à jour en un an « n’est pas évident ».
De fait, « les associations qui ont commencé à recueillir ces numéros obtiennent un taux de réponse relativement faible [des donateur.trice.s]. Ça va prendre du temps, c’est clair. Certain.e.s sont réticent.e.s à communiquer leur numéro national », constate Erik Todts. « Nous osons espérer à une certaine tolérance de l’administration fiscale pour la première année », confie-t-il.
Un frein aux donations ?
Enfin, du côté des associations, notamment des plus petites, certaines craignent que cette nouvelle obligation freinent les donateur.trice.s, qui devront effectuer une démarche en plus en communiquant leur numéro national par email ou téléphone.
Mais pour le SPF Finances, le fait de pouvoir bénéficier de manière plus automatique de l’avantage fiscal lié aux dons, grâce à la communication du numéro national, « devrait aussi augmenter la confiance des donateur.trice.s vis-à-vis des institutions et des avantages liés à leur générosité ».
Une chose est sûre, les ASBL devront faire preuve de pédagogie auprès de leurs donateur.trice.s afin d’expliquer les raisons de la collecte de ce numéro.
De son côté, Erik Todts reste persuadé que les parlementaires qui ont voté cette loi « ont cru rendre service. Mais ils ne connaissent pas la réalité de la récolte de fonds. Ils sous-estiment les implications pour nous », assure-t-il tout en regrettant l’absence de concertation avec le secteur au moment de la préparation de la loi. « On aurait pu éviter certains problèmes et malentendus », conclut-il.
Caroline Bordecq