La réforme des aides à l’emploi en Région wallonne (APE) ne cesse d’inquiéter le secteur non marchand sur l’avenir des leurs emplois.
Alors que le gouvernement wallon a voté le texte en 3e lecture le 5 octobre dernier, la Fédération des CPAS, Concertes (plate-forme de concertation des organisations représentatives de l'économie sociale) et Atout EI (Fédération Wallonne des Entreprises d'Insertion et des Idess) ont adressé un courrier au ministre Pierre-Yves Jeholet.
« Les différents échos de la réforme APE entendus cet été ainsi que les récents refus d’octroi de points APE nous font malheureusement craindre pour la pérennité du dispositif IDESS [Initiatives de développement de l'emploi dans le secteur des services de proximité à finalité sociale, NDLR] ». Pour rappel, les IDESS sont des structures (ASBL, SFS ou CPAS) agréée dont la mission est d'offrir des services de proximité aux habitants en Région wallonne.
Dans leur lettre, les trois organisations interpellent le ministre sur :
- Le gel des subventions dès 2018 ;
- L’après 2020 ;
- Le transfert vers le ou les ministres de tutelle.
La lettre adressée au ministre Jeholet
Voici un extrait de la lettre qui a été envoyée au ministre Pierre-Yves Jeholet.
Monsieur le Ministre,
Par le présent courrier, nous souhaitons vous faire part de nos inquiétudes concernant le subventionnement du personnel encadrant dans les IDESS. En effet, les derniers échos relatifs à la réforme APE nous font craindre de mauvaises nouvelles pour ce secteur en particulier.
De plus, ces échos ont récemment été confirmés par des décisions de refus d’octroi de points APE. Ces derniers devaient permettre à des IDESS d’engager du personnel encadrant dans le cadre d’extensions d’agrément précédemment validées.
Le décret IDESS prévoit l’octroi de points APE pour financer les postes d’encadrement des travailleurs en insertion dans le dispositif IDESS, en fonction du public cible. Cet accompagnement est essentiel pour améliorer les compétences des travailleurs en insertion, ainsi que leurs capacités à répondre aux attentes d’un employeur. Ce personnel joue donc un rôle prépondérant dans la réinsertion de nos travailleurs : grâce à un suivi quotidien, les travailleurs s’intègrent plus durablement dans l’emploi. Par ailleurs, étant donné leurs services de niche, tournés principalement vers des bénéficiaires en situation de précarité, les IDESS développent des activités peu rémunératrices. Les structures rencontrent ainsi les plus grandes difficultés pour arriver à tenir des budgets en équilibre. C’est d’ailleurs bien souvent avec l’aide d’un organisme parent (CPAS, centre de formation, etc.) que les IDESS peuvent équilibrer ces budgets.
En ne permettant pas à la subvention pour l’encadrement des travailleurs de suivre l’extension de travailleurs du public cible engagés, vous prendriez le risque de déstabiliser un modèle financier que l’on sait déjà fragile. Cela causerait forcément une diminution de l’effectif du personnel d’encadrement et, en conséquence, moins de moyens pour assurer l’insertion des travailleurs peu qualifiés. Sans un suivi quotidien, le seuil de productivité minimal des travailleurs ne permet plus d’assurer la viabilité des activités. C’est donc le dispositif dans son ensemble qui est menacé, avec pour conséquence des pertes d’emploi à large échelle. Or, ces travailleurs éloignés de l’emploi ont un degré d’employabilité très faible dans des entreprises classiques. Cela est notamment dû à un cumul de problématiques (manque de qualifeication, problèmes psycho - sociaux, etc.)
Les IDESS remplissant également une fonction de service à la population en réponse à des besoins sociétaux grandissants, souvent dans des milieux ruraux et/ou défavorisés, les habitants qui y font appel subiront également le contre-coup de ces mesures. Nous rappelons notamment le rôle important des IDESS dans l’entretien de l’habitat mais aussi dans le maintien au domicile des personnes âgées, permettant d’éviter tout une série de coûts pour la collectivité. Dans la déclaration de politique générale de votre Gouvernement, vous annonciez que : « L’économie sociale verra ses moyens confortés dans les différentes initiatives soutenues à la lumière de sa plus-value sur la création d’emplois ». À travers le dispositif IDESS et ces 65 structures agrées par la Région wallonne, ce sont plus de 500 travailleurs en insertion qui ont pu retrouver et se maintenir dans des emplois de qualité. Et ce, tout en contribuant à enrichir le tissu social wallon, notamment dans des régions rurales.
Pour finir, nous nous permettons de vous rappeler que lors d’une rencontre au mois de septembre 2017 entre Concert’ES et votre Cabinet, en présence de Atout EI, vos conseillers nous ont confirmé que vous étiez conscient de la situation du dispositif IDESS (problématique du De minimis et financement). Ils nous ont également annoncé votre volonté de pérenniser le dispositif, ce qui vous a conduit à présenter des modifications au décret IDESS dans le cadre du Décret Programme. Au demeurant, les différents échos de la réforme APE entendus cet été ainsi que les récents refus d’octroi de points APE nous font malheureusement craindre pour la pérennité du dispositif IDESS et des emplois qui en découlent. Nous sommes certains que vous partagez ces mêmes préoccupations et que vous tâcherez de permettre au dispositif IDESS de continuer son développement comme vous l’avez fait grâce au décret programme et au passage au mandatement SIEG.
Nos questions actuelles portent donc sur :
- le gel des subventions APE (extensions et nouveaux projets IDESS) alors que nous ne sommes pas encore en période de transition, le démarrage de celle-ci ayant été reporté au 1 er janvier 2020 : sur quelle base a - t - il été décidé de ne plus créer de nouveaux projets ou élargir les projets existants, alors que la demande est a priori recevable et qu’elle permet de créer des emplois en insertion ? ;
- l’après 2020 pour les IDESS : a-t-on prévu la possibilité de continuer à mettre en place de telles initiatives (sachant que si rien n’est prévu pour subventionner les frais d’encadrement, le dispositif ne pourra plus fonctionner selon la même philosophie qu’actuellement) ? ;
- le Ministre de tutelle pour les IDESS : verra-t-on coexister des systèmes différents pour les IDESS CPAS (qui dépendront du Ministre des pouvoirs locaux) et les autres IDESS (qui dépendront probablement du Ministre de l’économie) ?