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FINANCEMENT 30 janvier 2024

Elections 2024 : les revendications du Théâtre Le Public

2024 sera une année électorale en Belgique. Dans ce contexte, MonASBL.be et le Guide Social souhaitent être un porte-voix des ASBL, moteur essentiel de notre société. Pour cet épisode, MonASBL.be a tendu le micro au Théâtre Le Public, une institution à Bruxelles depuis près de 30 ans. 

À Bruxelles, le Théâtre Le Public a ouvert ses portes en 1994. Au fil des années, c’est devenu une institution. Près de 200 artistes y travaillent chaque année et 45 personnes y exercent de manière permanente pour faire tourner les trois salles de spectacle, le restaurant et la librairie. Depuis une quinzaine d’année, le théâtre bénéficie d’un contrat-programme.  

Pour ce nouvel épisode de notre série consacrée aux élections 2024, MonASBL.be a demandé à sa co-directrice Patricia Ide de partager ses vœux.

"Il serait important que les futur.e.s ministres de la Culture n'aient que cette matière-là à gérer"

MonASBL.be : Qu'attendez-vous des politiques pour les années à venir ? 

Patricia Ide : Je pense qu’il serait important que les futur.e.s ministres de la Culture n’aient plus que cette matière-là à gérer. Actuellement, la ministre doit se couper en quatre pour assumer ses différentes casquettes : enfance-santé, médias, droits des femmes, etc. Or, la culture représente déjà à elle seule plusieurs sections différentes : arts de la scène, musique, danse, cirque, livres, musées, éducation permanente, patrimoine, etc. Chacune de ces branches ayant un fonctionnement propre. Quelle que soit leur bonne volonté, nos dirigeant.e.s ne peuvent pas être compétent.e.s dans tous ces domaines spécifiques, même avec l’aide d’expert.e.s ! Sans compter le temps que cela demande de découvrir tous ces métiers sur le terrain. 

MonASBL.be : Quelles sont les conséquences concrètes du fait de ne pas avoir un.e ministre consacré.e à votre matière ? 

Patricia Ide : Ces personnes n’ont justement pas le temps d’aller sur le terrain pour comprendre les fonctionnements des différentes institutions.  

Prenons l’exemple du Théâtre Le Public qui est un très grand employeur d’artistes en Fédération Wallonie-Bruxelles. Avec nos trois salles, les décentralisations et les tournées, nous comptons chaque année plus de 100.000 spectateur-trices. Nous sommes la seule structure à avoir ce profil. Nous avons un fonctionnement et un écosystème singulier, avec de longues séries de représentations (entre 30 et 40 dates), beaucoup d’activités annexes et parallèles (l’École sur scène, les esquisses, des avant-soirées, une librairie et des rencontres d’auteurs, etc.). Quand la ministre actuelle est entrée en fonction, nous aurions aimé qu’elle vienne sur place pour découvrir ce qui s’y passe.  

D’autres théâtres ont des écosystèmes complètement différents, qui méritent tout autant qu’on s’y attarde. Nous ne pouvons pas toutes et tous être analysé.e.s sous le même prisme de lecture. Un théâtre comme le nôtre, qui interpelle tant de citoyen.ne.s, doit être analysé et envisagé dans sa réalité, au moins une fois sur une législature. 

"Défiscaliser les sorties et expériences culturelles"

MonASBL.be : Selon vous, quelles mesures doivent absolument être prises pour soutenir le secteur associatif ? 

Patricia Ide : Selon nous, il faudrait défiscaliser les sorties et les expériences culturelles. Que les billets soient déductibles pour les gens qui fréquentent les lieux culturels. 

Ainsi, le gouvernement donnerait de l’importance et du crédit à la culture. Ce serait dire aux gens : « aller voir des spectacles, dans les musées, à des festivals, etc. et nous vous aidons ». Et en même temps : « vous payez », car dire aux gens que c’est gratuit cela ne fonctionne pas.  

Promouvoir la culture auprès de tou.te.s est une manière de pousser à faire fonctionner son libre arbitre, à écouter des avis divergents. C’est indispensable, sinon la démocratie va s’écrouler. 

MonASBL.be : Souhaitez-vous davantage de concertation avec les politiques et pourquoi ? 

Patricia Ide : Je pense que c’est indispensable si l’on veut que les politiques aient une meilleure vision de la réalité du secteur culturel - et des différents secteurs qui le composent - que leur connaissance du champ soit élargie. Cela permettrait surtout qu’ils et elles aient une photographie du réel car même s’il y a chaque fois de la bonne volonté, elle se heurte à la réalité du terrain.  

En Belgique, il y a cinq écoles d’art dramatique, de plus en plus de diplômé.e.s et de comédien·ne.s sur le marché et pourtant une invisibilisation et un manque de valorisation auprès du grand public. En résumé : trop d’artistes et pas assez de boulot. Or, comme tous les arts, ce métier demande énormément d’implication, de maitrise et de connaissances pour acquérir l’expérience qu’exigent les grandes œuvres classiques et contemporaines. Cela demande une somme colossale de temps et de travail. Les artistes qui s’impliquent de la sorte mériteraient d’être reconnu.e.s et correctement rétribué.e.s. Pourtant, c’est rarement le cas. Cette situation dure depuis des décennies, et tout le monde finit par trouver ça normal. 

Lire aussi : Que faut-il retenir de la réforme du statut d’artiste ? Le point avec l’ASBL Artists United

"Les artistes méritent d'être reconnu.e.s et correctement rétribué.e.s"

MonASBL.be : Si vous aviez trois vœux pour les futures législatures, quels seraient-ils ? 

Patricia Ide : Que la culture soit un vrai choix pour celle ou celui qui occupera la fonction de ministre de la Culture. La culture est essentielle à la démocratie, ce n’est pas une posture. La démocratie subit de telles attaques en ce moment que ce ne serait pas superflu d’avoir un.e ministre qui fait le choix de la culture pour la défendre. Même si je comprends qu’il s’agisse d’un portefeuille très particulier car il traite de la complexité du monde. C’est la raison d’être de la culture. 

Ensuite, nous aimerions avoir accès à une photographie du paysage des arts dramatiques, des affectations et du lien entre les subventions et celles et ceux qui les financent, c’est-à-dire les citoyens. 

Et finalement, je rêve que la RTBF - qui représente plus de 350 millions d’euros de subventions [373,5 millions d’euros dans le projet de budget 2023, NDLR] - soit beaucoup plus tournée vers les artistes, à tous les niveaux. 

Et pour aller plus loin :

Les revendications des ASBL

Les mémorandums des fédérations