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FINANCEMENT 5 novembre 2024

Interview exclusive - Subventions, évaluation et simplification : l'avenir des ASBL selon le ministre Coppieters

Dans un contexte de réformes significatives, MonASBL.be s'est entretenu avec Yves Coppieters, ministre wallon de l’Economie Sociale, afin d’explorer les défis à venir pour les ASBL : pérennisation des subventions, suppression d’une série de subsides facultatifs, simplification administrative ou encore nécessité d’évaluer l’impact des actions. Quelles avancées et quelles contraintes attendent les ASBL dans les années à venir ? Interview sans langue de bois !

S’il ne fallait retenir qu’un ministre pour évoquer le futur des ASBL wallonnes, c’est bien le ministre Yves Coppieters. Tout d’abord, parce que ses multiples casquettes en Wallonie mais aussi en Fédération Wallonie-Bruxelles lui assurent un contact direct avec de nombreuses associations. Ensuite et surtout, parce que l’homme fort des Engagés est en charge, au sud du pays, de l’Economie Sociale, un secteur emblématique pour les ASBL.

MonASBL.be a donc voulu aborder avec lui une question cruciale : à quelle sauce sera mangé le secteur associatif, durant les prochaines années ? Pérennisation de subventions, économies réalisées sur les subsides facultatifs, évaluation et mesures d’impact ou encore simplification administrative : découvrez comment il envisage l'avenir des ASBL en Wallonie.

Lire aussi : Budget 2025 : les mesures qui impactent directement les ASBL

« Nous souhaitons pérenniser une série de subsides, via des conventions pluriannuelles »

MonASBL.be :  Le ministre du Non-Marchand, le ministre des ASBL, en voilà une fonction qui n’existe pas en Belgique, contrairement à la France. En Wallonie, vous êtes en charge de l’Economie Sociale ainsi que des Solidarités. C’est d’ailleurs la première fois qu’une telle compétence fait son entrée dans un Gouvernement... Pouvons-nous enfin dire qu’il y a un ministre des ASBL en Wallonie ?

Yves Coppieters : M’autoproclamer ministre des ASBL ? Ce serait peut-être un peu audacieux de ma part (sourire). Une chose est en revanche certaine : mon équipe et moi avons de belles intentions pour le secteur ; il nous reste désormais à les concrétiser. Comme je le dis souvent, j’ai besoin que les acteurs de l’Economie Sociale, du Non-Marchand me challengent. Et, si les choses n’avancent pas comme prévu ou diffèrent de nos engagements initiaux, il faudra me le rappeler. Avec les acteurs du secteur, je veux des conversations franches et constructives, afin de travailler ensemble, en sachant les contraintes de chaque partie. Moi, je ne demande pas mieux d’être le ministre des ASBL mais il faut qu’on y arrive. Sans ambition de carrière politique, je compte parler vrai pendant ces cinq prochaines années, non pas pour heurter, mais pour dire les choses telles qu’elles évoluent au quotidien.

MonASBL.be : Pour les ASBL, l’argent est clairement le nerf de la guerre. L’alliance Les Engagés – MR a annoncé son attention de favoriser les subsides quinquennaux, plutôt que les subventions annuelles. Quelles ASBL seront concernées par cette mesure ? J’imagine que toutes les ASBL qui reçoivent des subventions ne bénéficieront pas de ce financement durable… Concrètement, cela entraînera-t-il une réduction des enveloppes, basée sur le concept "de meilleurs subventionnements signifient moins d’ASBL retenues" ?

Yves Coppieters : Tout cela est lié aux subventions facultatives. Concrètement, dans ces dernières, il y a les véritables subventions facultatives, spécifiques à une année, et puis il y a les subventions pseudo-réglementées, qui sont officiellement facultatives mais qui se renouvellent d’année en année. Dans cette seconde catégorie, certaines subventions sont ainsi renouvelées depuis des dizaines d’années. Et, surtout, c’est cette seconde catégorie de subventions facultatives que nous souhaitons pérenniser, via des conventions pluriannuelles de 5 ans. Le but est d’éviter les inquiétudes liées à l’introduction d’une demande annuelle ; période d’incertitude qui s’accompagne généralement de préavis conservatoires.

MonASBL.be : L’objectif est de pérenniser l'activité de ces d’ASBL et de leur permettre une vision à long terme pour leurs employés et leur stratégie. 

Yves Coppieters : Exactement ! Cette mesure vise à garantir la continuité, tout en exigeant un certain effort financier de la part des ASBL. En effet, il est important de noter que les budgets ne connaîtront pas nécessairement d’augmentation, et il se pourrait même qu’ils subissent une légère diminution.

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Toutes les ASBL ne bénéficieront pas de ces financements durables...

MonASBL.be : Si on reprend la liste actuelle des subventions facultatives, quel pourcentage d’associations bénéficieront de ce financement durable ?

Yves Coppieters : Sur cette liste des subventions facultatives, déjà 50% des ASBL sont sélectionnées pour intégrer le futur mécanisme. En revanche, en ce qui concerne les autres 50%, on va malheureusement devoir faire des choix. Comment ce choix va-t-il s’opérer ? Le Gouvernement wallon a déjà défini des critères notamment axés sur l’employabilité, des critères particulièrement en lien avec les compétences des ministres Jeholet et Dolimont. Les aspects sociaux et sociétaux, en revanche, sont moins pris en compte…

MonASBL.be : Peut-on en déduire que vous privilégiez une approche de sélection basée sur l’analyse des données chiffrées et l’évaluation budgétaire ?

Yves Coppieters : Tout à fait. Et donc, tout l’enjeu pour moi est d’intégrer également la dimension sociétale en tant que critère pour déterminer le maintien ou non de ces projets. Mais, ne nous leurrons pas, il faudra faire un effort sur une partie des subventions facultatives… Cette sélection sera le défi majeur des prochains mois.

Tout d’abord, nous avons demandé à l’administration de fournir des listes complètes des projets. Celle-ci procédera à l’exercice d’identifier ce qui doit être pérennisé automatiquement et ce qui pourrait être intégré dans cette politique de subventions pluriannuelles, ainsi que les projets susceptibles d’être remis en question ou même supprimés. Ce sera notre priorité au cours des six prochains mois. Cependant, nous travaillerons en concertation avec les ASBL : nous les tiendrons informées et engagerons des discussions, afin d’éviter toute annonce brutale dans six mois.

MonASBL.be : Durant cette phase d’analyse, les structures ne recevront donc pas de subsides ?

Yves Coppieters : Pour 2024, les subsides sont garantis. Mais pour 2025, il y a un effort qui devra déjà être fait…  Après, le renouvellement des subsides n’intervient jamais en janvier. Certaines ASBL, par exemple, sont couvertes jusqu’en août 2025, en fonction des conventions. Cela dit, celles qui pourraient être en ballotage devront faire preuve de patience en attendant l’aboutissement de notre travail d’analyse.

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Simplification administrative : « Nous avons six mois pour mettre en place un décret »

MonASBL.be : Passons à une autre mesure concernant les ASBL : l’alliance MR – Les Engagés a aussi annoncé le souhait de renforcer la transparence et la bonne gouvernance.

Yves Coppieters : Notre objectif est d’améliorer l’évaluation des effets des actions et des programmes. Cette évaluation doit être intégrée au financement et à la programmation, sans créer de surcharge. En parallèle, nous travaillons à simplifier les démarches administratives. C’est un enjeu majeur pour le Gouvernement, qui souhaite faire collaborer les administrations avec les ASBL afin de proposer des solutions. Nous avons six mois pour mettre en place un vrai décret qui opérationnalise tout cela.

C'est pourquoi les secteurs ont tout intérêt à établir un contact avec les administrations pour en discuter. Ce sont ces dernières qui nous fourniront, à chaque fois, des cahiers des charges pour la simplification administrative dans les différents domaines de compétence. Ce travail est déjà en cours, notamment à l’Aviq, au SPW Intérieur et Action sociale et dans d’autres administrations. Nous souhaitons que les ASBL puissent se concentrer davantage sur leurs missions.

« J'ai vraiment à cœur de mettre toute cette richesse en avant »

MonASBL.be :  Avec environ 6.600 entreprises et 150.000 postes en Wallonie, représentant plus de 12% de l'emploi en Belgique francophone, l'Economie Sociale s'affirme comme un modèle économique durable, créateur d'emplois. Quels sont vos principaux projets pour soutenir l'Économie Sociale en Wallonie et comment envisagez-vous l'évolution de ce secteur ?

Yves Coppieters : Avec le Gouvernement, j’entends mettre en œuvre une véritable stratégie pour l’Economie Sociale, en nous dotant d’une vision 2030. Cette stratégie doit d’abord se construire sur base de l’analyse de l’existant.

Notons aussi la mise en place d’un « chèque » économie sociale. Cette mesure est à l’étude auprès de mon administration. Ce chèque permettrait une simplification administrative, une amélioration des délais d’octrois et aurait pour but de soutenir les projets les plus innovants en Economie Sociale. Il vise aussi à remplacer les subventions facultatives dans le secteur.

Je pointerai également que nous avons sur la table la construction de 2 Hubs logistiques, à Liège et à Charleroi, équipés et dédiés aux activités de grossistes et d’incubateur de coopératives. L’objectif du projet est la construction, l’équipement et l’exploitation de deux hubs logistiques actifs dans le secteur des circuits-courts par des entreprises d’économie sociale auprès de collectivités, de professionnels et de citoyens. Ces deux Hubs seront opérationnels en juillet 2025.

MonASBL.be : Finalement, quels leviers de concertation souhaitez-vous mettre en place pour que les ASBL soient véritablement entendues dans les décisions qui les concernent ?

Yves Coppieters : Je souhaite résolument promouvoir le renforcement de la concertation avec les ASBL et je veux que mes administrations jouent un rôle loyal à cet égard, étant donné qu’elles connaissent le mieux les acteurs concernés. Je les encourage à devenir le moteur de cette concertation.

J'ai pu constater dans le secteur de l'Economie Sociale que les forces vives avaient parfois du mal à se vendre, alors qu'il existe de nombreuses initiatives extraordinaires. Pourtant, en Belgique, ce secteur est en avance par rapport à d'autres pays européens. Il en va de même pour le travail des ASBL...

Je ne veux pas faire de la communication pour la communication, non. Mon objectif est d'inspirer. J'ai vraiment à cœur de mettre toute cette richesse en avant !

Propos recueillis par Emilie Vleminckx

Social / Santé : retrouvez la suite de cette interview sur le Guide Social !

Le Guide Social est parti à la rencontre d’Yves Coppieters, nouveau ministre de la Santé en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles. Celui qui est également en charge des Solidarités, au sud du pays, dévoile ses priorités pour les prochaines années : renforcement de la prévention et de la promotion de la Santé, réévaluation de la stratégie contre la pauvreté ou encore reconnaissance et valorisation sociale des métiers du Non-Marchand. Ces grands chantiers, il les veut pragmatiques, transversaux et construits en concertation avec les acteurs de terrain.

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