MonASBL.be : Quels effets aura la pandémie sur les finances des associations belges ?
Marc Thoulen : Des effets tout à fait similaires à ceux connus par les entreprises, même si leurs objectifs et les moyens dont elles disposent sont différents. La mise en sommeil des activités fait que les coûts fixes prennent proportionnellement plus d’importance et mangent la trésorerie.
Les pouvoirs publics ont pris des mesures qui ont permis d’alléger certains coûts ou d’obtenir des sursis pour certains paiements, mais cela ne suffira pas. Dans certains cas, la pandémie aura aussi éloigné les asbl de leur public de volontaires ou de donateurs. Et à la sortie, les règles aussi auront changé : les pouvoirs publics seront exsangues, de sorte que le paysage des subsides va probablement se modifier. La digitalisation et la distanciation seront de règle, mais toutes les asbl ne pourront pas s’y adapter. On va probablement assister à un émiettement, en tout cas à un regroupement du secteur.
Lire aussi : Survivre à la crise sanitaire : la résilience fera la différence
"Le paysage des subsides va probablement se modifier"
MonASBL.be : Pourquoi la résilience financière est-elle particulièrement importante en période de crise sanitaire ?
Marc Thoulen : On peut comparer les asbl à des boxeurs : il faut évidemment qu’elles soient fortes, que leurs comptes soient bons et qu’elles aient des réserves qui leur permettent de voir venir. Ça tombe sous le sens, mais ce qui est moins évident, c’est que, comme les boxeurs qui doivent esquiver les coups et changer rapidement de stratégie, elles doivent aussi, et surtout, être souples. Cette souplesse est une problématique souvent négligée, qui peut toutefois se corriger en agissant sur les coûts fixes, en diversifiant les recettes, en renforçant les fonds propres, ou en accroissant la liquidité du bilan.
Il y a des moyens, mais corriger une situation difficile demande énormément de temps : du temps pour analyser et comprendre, du temps pour innover et décider, du temps pour s’organiser. Il n’est jamais trop tôt pour s’en occuper !
Lire aussi : Elaborer un budget de sortie de crise
"Beaucoup d'ASBL sont sous-capitalisées"
MonASBL.be : Pouvez-vous nous présenter un remède pour améliorer la résilience financière et soigner le capital de son ASBL ?
Marc Thoulen : Les situations sont très variables d’une asbl à l’autre. Certaines sont bien et parfois trop capitalisées, de sorte qu’elles ne savent éventuellement pas trop quoi faire de leurs capitaux. Beaucoup sont en revanche sous-capitalisées, ce qui les rend plus dépendantes des fonds prêtés par des tiers, moins en mesure d’acquérir les outils ad hoc, donc plus fragiles, plus exposées. Comme cause, il y a un manque de capital au départ, ou des marges trop faibles pour constituer des réserves. Être capitalisées à un niveau correct leur permet d’acquérir les moyens de leur activité en toute indépendance et c’est fondamental, alors même que la loi des asbl ne leur impose absolument rien.
Au-delà de l’apport des pères fondateurs, il est toutefois possible de corriger un éventuel manque par les contributions des membres : typiquement, on parle alors de versements plutôt que de cotisations. Il y a aussi certains subsides en capital des pouvoirs publics, notamment pour soutenir des investissements d’innovation. N’oublions pas les dons et legs qui peuvent entrer dans le capital de l’association, moyennant certaines précautions. Pour les plus audacieux, il y a encore le recours à des techniques de crowdfunding adaptées à la capitalisation des asbl.
Les moyens existent, mais il faut d’abord les connaître et ensuite les réfléchir, et c’est bien là l’objet de cette master class.