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VIE ASSOCIATIVE 12 mars 2025

Une culture sans ministre ni subsides aux ASBL ? Le secteur répond à Georges-Louis Bouchez

Remise en cause du ministre de la Culture, dépolitisation du secteur… depuis des mois, le président du MR enchaine les déclarations coup de poing à l’encontre du secteur culturel. Sur le terrain, si on y voit des phrases chocs servant à nourrir une stratégie politique, on s’inquiète des conséquences à long terme pour le secteur.

Georges-Louis Bouchez persiste et signe. Non, il ne voit pas l’intérêt d’avoir un ministre de la Culture, comme il l’affirmait au Soir, début janvier. Et non, il ne veut plus d’un modèle de la culture « politisée », « subventionnée aux copains, de son fonctionnement partisan et de son dédain parfois du public, de son conformisme de la pensée, de son approche donneuse de leçon souvent », a encore asséné le président du MR, mardi 4 mars, sur son compte X. Lui défend « une organisation culturelle libérale » qui se repose davantage sur des financements privés, que sur des subsides publics.

Une vision qui inquiète le secteur

Des « punchlines », auxquelles Liesbeth Vandersteene, directrice de l’ASBL ASTRAC, le réseau des professionnels en Centres culturels, ne veut pas « accorder plus d’attention que nécessaire », commente-t-elle. Néanmoins, ces déclarations, venues du président du premier parti francophone en Belgique, « inquiètent car elles témoignent, à nos yeux, d’une incompréhension importante du rôle du secteur culturel et, en ce qui nous concerne, des centres culturels dans une société », observe celle qui a signé, aux côtés d’une centaine d’organisations, une carte blanche intitulée « La culture, un rempart démocratique nécessaire contre les régimes autoritaires ».

Car selon Georges-Louis Bouchez, la culture ne devrait pas se mêler de la politique. Mais de quelle culture et de quelle politique parle-t-on ? Selon Liesbeth Vandersteene, tout se joue dans la sémantique. Le président des libéraux francophones « parle de produits culturels et de consommation culturelle, nous parlons d’actions culturelles pour des personnes et d’un travail important pour la vitalité de la démocratie, pour le vivre ensemble et la cohésion sociale », explique-t-elle. Même chose en ce qui concerne le sens donné à la politique. « Pour nous, il s’agit d’un engagement au sein de la société et, dans notre cas, en faveur d’une société démocratique et d’une culture de la paix. Lui parle d’influence de partis politiques sur certains acteurs de la culture. Dire que la culture est politisée est caricatural », continue la directrice.

Ces attaques contre le secteur ont fait réagir jusque dans les rangs des Engagés, partenaire du MR au sein de la majorité en Fédération Wallonie-Bruxelles, en Wallonie et au fédéral. Sans mentionner directement Georges-Louis Bouchez, le texte signé par Mathilde Vandorpe, cheffe de groupe des Engagés au parlement de la FWB, évoque un « cynisme » qui « ne trompe personne : il masque mal une volonté de neutraliser ce qui dérange, d’éteindre les foyers de contestation ».

Un impact déjà visible sur le terrain

En ce qui concerne les centres culturels, Liesbeth Vandersteene rappelle qu’ils sont encadrés par un décret de 2013, qui « s’inscrit dans une longue histoire de politique culturelle et dans des valeurs universelles comme les droits humains et les droits culturels. Ce ne sont pas des projets de donneurs de leçons me semble-t-il ».

La directrice de l’ASTRAC juge également « inquiétant » le fait de ne pas comprendre pourquoi les opérateurs culturels sont subventionnés. Cette position est « peut être le reflet d’un certain point de vue qui existe dans la société, ou bien une volonté d’encourager à ce que ce point de vue soit adopté », dit-elle. Et si elle estime qu’à ce stade il n’y a encore « rien à craindre », cette stratégie politique pourrait avoir « des effets nocifs sur le secteur à plus long terme ».

Lire aussi : Subsides en péril : les ASBL à la recherche d’un modèle viable

Par ailleurs, au sein des centres culturels, des impacts sont d’ores et déjà visibles sur le moral des équipes, affirme la directrice de l’ASTRAC. « Le contexte est déjà défavorable avec les problèmes financiers et la surcharge administrative écrasante. Les équipes travaillent déjà sous pression et si en plus des personnalités puissantes interviennent de cette manière, c’est très dévalorisant », observe-t-elle.

Dans cette période de grande fatigue et de perplexité, « le risque est de se retrouver dans un nouveau combat de pauvres », avertit Liesbeth Vandersteene. Néanmoins, la carte blanche publiée fin février démontre l’envie du secteur de surmonter cette épreuve ensemble. « Les fédérations sont vigilantes et je pense qu’on pourra rassembler le terrain, entre secteurs, et se mobiliser si nécessaire », conclut-elle.

Caroline Bordecq