C'est un coup de gueule que vient de pousser l'ASBL A.L.F.A. (Aide Liégeoise aux Alcooliques, aux toxicomanes et à leur Famille) sur les réseaux sociaux. Ce service de santé mentale, spécialisé dans le traitement, la prévention et la réduction des risques en matière d'assuétudes, déplorait il y quelques jours n'avoir toujours pas perçu le moindre euro d'un subside total de 280.000 €, dont la majeure partie aurait dû lui être versée au 1er trimestre 2024, soit il y a près d'un an ! « Malgré nos multiples relances -appels, e-mails, demandes de rendez-vous, interpellations parlementaires, contacts privés- la seule réponse obtenue est "Attendez 15 jours et rappelez-nous". Combien de fois devrons-nous encore entendre cela ? », s'interrogeait l'association.
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Un subside essentiel pour payer les salaires, les frais de fonctionnement,…
Le subside en question concerne le Service Aide en ligne (www.aide-alcool.be), un projet lancé en 2012 qui s'adresse à un large public et offre l’accessibilité et la gratuité à des informations claires en matière d’alcool, ainsi qu’un accompagnement de qualité garantissant l’anonymat et assuré par une équipe de psychologues cliniciens. Une aide particulièrement précieuse pour des personnes ayant un emploi du temps difficilement compatible avec les heures d’ouverture des services existants, ayant de lourdes charges familiales ou des difficultés à se déplacer.
Pauline Aprile, Directrice administrative de l'A.L.F.A., nous a expliqué en détail la problématique à laquelle l'ASBL était confrontée : « Dans le cadre de ce projet pluriannuel, le gouvernement wallon analyse notre demande en partenariat avec l'Aviq (L'Agence wallonne pour une vie de qualité, ndlr) et prend ensuite sa décision finale par rapport à la pertinence de notre projet. Il donne alors ses directives à l'Aviq, chargée de nous informer des délais de versement du subside. Concrètement, nous percevons chaque année 280.000 €, un montant qui nous permet de rémunérer les personnes qui collaborent au projet, ainsi que de payer les frais de fonctionnement, la plateforme internet etc. Nous recevons dans le courant du 1er trimestre une avance de 196.000 €, suivie du solde quelques mois plus tard. Parallèlement, chaque année, nous devons rendre un rapport expliquant en détail les résultats concrets déjà obtenus. Tous nos documents ont été envoyés dans les délais requis. »
Or, les élections régionales de juin 2024 semblent avoir grippé une mécanique qui paraissait bien huilée : « Du fait des élections qui approchaient, suivies d'un changement de majorité, on nous a expliqué que cela avait occasionné un retard dans l'analyse des demandes. C'est la seule justification reçue à ce jour. »
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Obligée d’avoir recours à un emprunt
L'association a donc tenté à de multiples reprises d'en savoir plus, en contactant aussi bien des responsables de l'ancienne majorité que de la nouvelle. Sans succès : « À chaque fois que nous sollicitions un rendez-vous, on nous demandait de rappeler ultérieurement ! Quant à l'Aviq, nos interlocuteurs semblaient impuissants par rapport à l'immobilisme de la Région. »
Cette convention pluriannuelle, étalée sur 3 ans, se terminait fin 2024 : « Nous avons introduit un nouveau dossier, avec une demande d'agrément spécifique, mais celle-ci a été refusée. Le projet actuel a été renouvelé pour un an, jusque fin 2025. Nous avons donc été confrontés à un non-paiement du subside 2024, ainsi qu'à la non-reconduction d'une convention pluriannuelle qui nous place dans une grande incertitude au-delà de 2025. »
Devant faire face à ses obligations financières, l'ASBL s'est vue obligée d'avoir recours à un emprunt, entre autres pour assurer le paiement des salaires jusque fin décembre 2024. « Mais nous avons contracté cet emprunt sans savoir comment nous allions faire pour payer les salaires de fin janvier ! », déplore Pauline Aprile. « L'A.L .F.A. emploie 25 personnes. Nous avons été obligés de geler le plus possible de paiements, car nous devions économiser au maximum pour payer ces salaires. »
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« Nous travaillons à la simplification administrative », répond l’Aviq
Contactée par nos soins, l'Aviq, via sa porte-parole, a toutefois pu nous apporter une bonne nouvelle : « L'avance concernée pour le 1er trimestre 2024 vient d'être versée à l'A.L.F.A. Quant à la raison qui explique ce retard interpellant, elle est très probablement due à la longueur des procédures. À ce sujet, nous travaillons à la simplification administrative, y compris pour nos partenaires, avec une plateforme d'encodage unique pour faciliter les choses. C'est un chantier conséquent pour nous, qui fait partie de notre contrat de gestion et de notre plan d'entreprise. Le changement de gouvernement, et la mise en place de la nouvelle majorité, a aussi retardé les procédures. Mais c'est la volonté du gouvernement et la nôtre d'œuvrer activement à cette simplification. »
Si, du côté de l'A.L.F.A., ce déblocage génère un certain soulagement, il ne fait pas oublier pour autant que les perspectives futures ne sont toujours pas des plus rassurantes : « Concernant l'avance prévue pour cette année, nous n'avons eu qu'un accord de principe verbal avec notre interlocutrice à l'Aviq, qui fait office d'intermédiaire entre nous et le gouvernement wallon. Nous avons demandé à de nombreuses reprises un document écrit attestant de cet accord, mais sans jamais en obtenir. Par ailleurs, cette enveloppe de 280.000 € ne tient pas compte des indexations, ni des anciennetés des collaborateurs qui augmentent chaque année. Des détails dont nous avions tenu compte en introduisant une nouvelle demande, mais sans succès. Nous restons donc dans l'incertitude sur plusieurs axes. »
Et le temps passe vite : « Il est prévu que nous travaillions en collaboration avec l'Aviq pour créer un cadre spécifique à notre projet qui ne rentre dans aucune case pré-établie. Ils nous ont promis de revenir vers nous assez rapidement, mais le 1er janvier 2026, c'est déjà demain pour nous : si nous n'avons plus de financement à partir de cette date, nous risquons de devoir donner des préavis à titre conservatoire à nos travailleurs, ce qui est assez violent humainement, et sans garantie aucune de protéger l'institution. Ce qui entraîne une dynamique assez tendue et beaucoup de tristesse au sein de l'équipe. »
Propos recueillis par O.C.