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FINANCEMENT 11 décembre 2024

Subventions facultatives : "Des impacts majeurs pour l’emploi et le soutien aux publics"

Face à l'annonce récente des gouvernements wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles concernant le budget 2025, qui prévoit une réduction drastique des subventions facultatives de plusieurs dizaines de millions d'euros, la CODEF, fédération patronale représentative comptant 650 membres, dont plus de 5000 travailleurs et 4000 volontaires, a réalisé une enquête afin d’alerter les décideurs politiques sur les conséquences de cette décision. Les constats sont alarmants. Explications !

"Nos associations membres expriment une vive inquiétude", dévoile d'emblée la CODEF, dans son plaidoyer envoyé notamment aux parlementaires de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Et de rajouter : "Ces coupes budgétaires menacent gravement la pérennité de nombreuses associations locales, qui jouent un rôle fondamental dans la cohésion sociale, l’aide et les soins, le soutien aux personnes vulnérables, la promotion de la culture et de l’environnement, etc."

Bien que qualifiées de "'facultatives', ces subventions sont en réalité essentielles pour le fonctionnement de milliers d'organisations à travers la Région wallonne et la Fédération Wallonie Bruxelles. Elles permettent le développement de projets innovants et répondent aux besoins spécifiques des citoyens dans des domaines variés. "Réduire ces subventions compromet la capacité des associations à s’adapter aux défis sociaux croissants et à offrir des services vitaux aux citoyens", déplore la CODEF.

Lire aussi : Budget 2025 : les mesures qui impactent directement les ASBL

Un impact considérable sur l’emploi

L’enquête réalisée auprès des membres de la Fédération multisectorielle a permis de déterminer que 17,5 % des associations membres, de toutes tailles, ayant leurs activités en Région wallonne et en Fédération Wallonie Bruxelles perçoivent une subvention facultative. "Étant donné que la CODEF englobe une vaste proportion d'associations actives dans divers secteurs et sous-secteurs, ces résultats peuvent servir d’indicateurs de la situation globale. Par conséquent, il est justifié d'extrapoler ces chiffres à l'ensemble de la Région et de la Fédération", précise-t-elle.

Cette enquête a également permis de révéler la diversité des associations qui pourraient être impactées par la réduction des subventions facultatives. Les secteurs les plus touchés seraient l’action sociale (31%), l’environnement (18%) et le tourisme non-commercial (16%).

Les associations qui bénéficient de subventions facultatives occupent en moyenne 8 travailleurs mais certaines structures impactées occupent jusqu’à 30 travailleurs. Cela témoigne d’une réelle mise en péril de l’emploi en Région wallonne et en Fédération Wallonie-Bruxelles car 31% de ces associations ont annoncé que la réduction de leurs subventions facultatives pourrait entraîner des licenciements. Et pour cause : chez 33% des associations, les subventions facultatives représentent au moins 50% du budget annuel. En moyenne, elles représentent 35% du budget des associations.  

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Un impact direct sur les services aux citoyens

Nombre d’associations se verraient contraintes de suspendre ou d’abandonner des services et projets innovants, pourtant nécessaires pour répondre aux défis sociaux, économiques et environnementaux actuels :  

  • 37% des associations devront réduire ou supprimer des services, au détriment de leurs bénéficiaires et/ou usagers ;
  • 33% annuleront des projets en cours ou futurs, limitant ainsi l’innovation.

"Si les subventions facultatives s'arrêtent, notre association honorera les missions prioritaires et non annulables (formations) et annulera tout le reste : elle reviendra en statut 'bénévole' pour fermer dans le courant de 2025, voire 2026", témoigne une ASBL. 

Pour 13% des associations, la réduction des subventions facultatives pourrait entraîner la fermeture pure et simple de la structure. Certaines associations se préparent à devoir répercuter sur les usagers et bénéficiaires la perte de financement, comme l'expliquent ces trois structures :

  • "Réduction des activités et augmentation des participations aux frais demandées aux bénéficiaires, avec le risque certain d'exclure les plus fragiles." 
  • "Une augmentation de la contribution financière des participants des stages et ateliers est théoriquement envisageable dans l'absolu. Mais nous ne serions plus compétitifs par rapport à d'autres structures, d'où une fréquentation qui serait rapidement constatée à la baisse, ce qui entraînerait une accélération de la liquidation de l'ASBL." 
  • "Nous n'aurons d'autre choix que d'augmenter le prix de la thérapie et ce seront donc directement les bénéficiaires eux-mêmes qui seront impactés dans leur thérapie."

Une priorité : préserver l'accessibilité des services

Parmi les publics qui seraient les plus impactés par ces conséquences, les membres sondés par la CODEF citent les personnes fragilisées et isolées, les personnes d’origine étrangère et MENA, les personnes en situation de handicap, les enfants, les jeunes et leurs familles en recherche de places en crèche ou de stages, les personnes sans-abri… "Nous diminuerons notre offre et ne pourrons plus accompagner les personnes les plus exclues. Alors que les politiques veulent lutter contre le sans-abrisme, par cette mesure, le nombre de sans-abri sera en augmentation car nous ne pourrons travailler en amont et intervenir sur les situations à risque de sans-abrisme", note une ASBL.

Les membres soulignent l'importance de préserver l'accessibilité des services pour les usagers et bénéficiaires. Ils insistent sur la nécessité de ne pas leur faire supporter des pertes financières ou d'emploi supplémentaires en raison de la suppression des subventions facultatives. "Garantir cette équité est essentiel pour soutenir les publics les plus vulnérables. Les associations n’ont pas attendu pour rationaliser et mutualiser les services. Face aux récentes annonces, elles restent résilientes mais jusqu’à quand ?", s'interroge la CODEF. Elle rajoute : "Malgré ces efforts, ces mesures ne suffiront pas à compenser les pertes liées à la suppression ou à la diminution des subventions facultatives. Nous appelons nos décideurs politiques à prendre leurs responsabilités en gardant à l’esprit que les bénéficiaires et usagers sont au cœur de nos actions."

Pour continuer à répondre au mieux aux besoins des citoyens, les ASBL interrogées pointent le besoin de connaître au plus vite les projets des gouvernements quant aux secteurs qui seront impactés par les coupes budgétaires.  

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Un appel urgent à la transparence et à la concertation  

Les associations dépendant de subventions pérennes bénéficient d'un soutien financier stable et prévisible, leur permettant de planifier leurs activités à long terme. En revanche, celles qui ne vivent que de subventions facultatives se retrouvent dans une précarité structurelle et sont vulnérables aux aléas budgétaires. "Cette inégalité de traitement nuit à l'équité et à l’égalité des chances, compromettant ainsi le développement d’une société solidaire", déplore la CODEF. Une de ses associations membres renchérit : "Une fois la subvention achevée (projet d'un an), l'activité s'est poursuivie quelques temps (via l'augmentation du temps de travail d'un travailleur car l'initiative avait créé de la demande et nous tenions à ne pas "lâcher" les gens comme ça). […] Les subventions ponctuelles ont ce revers de créer de la demande puis d'arrêter l'activité une fois le projet fini. […] Quelques années plus tard, la FWB avait à nouveau une queue de budget pour ce type de permanence (mise en veille entre-temps)... Cela manque de cohérence pour l'offre de service vis-à-vis du public."

Dans ce contexte d’incertitude, les associations membres de la CODEF demandent que les arbitrages budgétaires relatifs aux subventions facultatives soient clarifiés dans les plus brefs délais. Cette situation instable empêche les organisations de planifier efficacement leur avenir et de continuer à remplir leurs missions de service public.

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Mettre en lumière l’impact social et humain des décisions politiques

Les associations réclament un dialogue constructif avec les décideurs politiques afin de comprendre les critères de choix et les justifications des coupes budgétaires envisagées. Une telle concertation permettrait de mettre en lumière l’impact social et humain de ces décisions et de trouver des solutions qui ne compromettent pas les missions essentielles de nombreuses associations. En effet, ces dernières sont des acteurs de première ligne, complétant les services publics et répondant aux besoins urgents et diversifiés des citoyens. 

"L’absence actuelle de dialogue et de transparence dans ces arbitrages laisse le tissu associatif sans visibilité sur son avenir proche", observe la CODEF. "Or, en cette période de fin d’année, cette situation instable empêche les associations d’établir des prévisions budgétaires solides pour 2025, de sécuriser les emplois et de planifier leurs actions sur le long terme." Notons encore que les associations appellent à des décisions budgétaires fondées sur des critères justes et transparents.

La CODEF conclut : "Soutenir les associations, c’est investir dans le bien-être collectif et la cohésion sociale. La précarité des associations se traduit directement par une réduction des services essentiels pour de nombreux citoyens, en particulier ceux en situation de fragilité. Assurer à ces structures un avenir serein, c’est renforcer les filets de sécurité et les mécanismes d’entraide qui protègent les citoyens face aux aléas de la vie."