Notre série "Les ASBL face au Covid"
- "S’appuyer sur les subsides et travailler autrement"
- "Contrebalancer la lourdeur et la morosité de l’épidémie"
- "On est le vilain petit canard de la culture"
- "Mettre les chiens sur pause ? Impossible"
- "Notre nom est Convivial : ce n’est pas pour rien"
- "Continuer à faire vivre le sentiment d’équipe"
- “Transmettre la dimension humaine à distance”
- "Passer son temps à faire et à défaire"
- "Avancer sur des montagnes russes"
Faire découvrir la région de Namur et de Dinant par le biais des entrepreneurs locaux, c’est la mission qu’a choisi Tourisme et Tradition. Tout au long de l’année, l’ASBL organise des circuits variés pour petits et grands afin d’apporter des expériences locales toujours plus enrichissantes. Mais la crise sanitaire force l’arrêt de toutes ses activités : visites culturelles ou dégustations ne sont plus envisageables. Essayant malgré tout d’avancer dans cette période difficile, Virginie Petre, responsable des visites, se tarde de pouvoir reprendre ces moments de partage au sein des moutarderies, distilleries, jardins ou châteaux namurois.
Visites annulées : réussir à s’adapter
MonASBL : Le secteur de l’Horeca et du tourisme souffrent beaucoup à cause du coronavirus. Comment la crise vous impacte-t-elle ?
Virginie Petre : Tourisme et Tradition est complètement à l’arrêt. C’est la catastrophe. Il n’y a plus rien : ni visites, ni circuits... La plupart de nos clients ne peuvent plus rien faire non plus. Que ce soit les cars, les associations ou les écoles : tous sont à l’arrêt. Au premier confinement, la situation était déjà très difficile. Mais après cette première vague, les choses ont commencé à rebouger un peu plus. Cet été, on a pu reprendre quelque peu nos activités. Certains groupes ont souhaité réserver pour des journées complètes avec différents endroits à visiter. Mais début octobre, quand le deuxième confinement s’approchait de plus en plus, ils ont tous annulés... Pour l’instant, on ne sait donc pas très bien comment va pouvoir évoluer la prochaine saison.
MonASBL : Vos activités ont du fermer en mars. Faire vivre Tourisme et Tradition malgré tout n’a pas dû être facile…
Virginie Petre : C’était compliqué : tous nos dossiers ont été annulés. On a essayé de reporter certains groupes et de reprogrammer nos visites. Au début, on a donc eu pas mal de travail administratif. Tourisme et Tradition gère aussi la moutarderie Bister. En temps normal, on y fait des visites individuelles. On a donc rebondit sur ce côté-là en prévoyant des visites sous ce format lorsque c’était possible. Mais comme l’ASBL travaille principalement avec des groupes, tout était quasiment à l’arrêt.
MonASBL : Le tourisme a pu reprendre cet été. Avez-vous réussi à attirer autant de visiteurs que d’habitude ?
Virginie Petre : Il y avait quand même une grande différence. Nos activités ont repris, mais surtout sous forme de visites individuelles. La plupart du public venait dans la Région et souhaitait alors découvrir quelques lieux. On reçu quelques petits groupes qui avaient réservé, mais ce n’était pas grand-chose. En temps normal, on a environ 10 000 visiteurs par an. Ça représente beaucoup de monde ! Mais vu la situation cet été, ce n’est même pas si on a atteint 2000 personnes…
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Construire un échange malgré les mesures sanitaires
MonASBL : Tourisme et Tradition organise de nombreux circuits et prévoit des visites largement en avance. Cette incertitude constante doit jouer sur la continuité des activités…
Virginie Petre : Quand la situation s’est améliorée, certains de nos clients qui avaient réservé nous ont recontacté pour prévoir de nouvelles visites. Mais ce n’est pas toujours facile : une dame m’a recontactée suite à une première annulation avec le premier confinement. On a donc reprogrammé une visite dans les mois suivants. Mais à nouveau, la date tombait pendant ce deuxième confinement. On a dû l’annuler une nouvelle fois… Je pense que l’envie est là, mais la crainte de l’incertitude reste présente. Tant que le gouvernement ne relâchera pas les mesures et que les gens ne pourront pas se projeter, les réservations ne reprendront pas vraiment. Que ce soit pour une journée ou pour partir en vacances, il pour l’instant très difficile de prévoir quoi que ce soit. Dès qu’on pourra un peu plus se projeter, je pense que les demandes arriveront de nouveau. Il faut donc patienter !
MonASBL : Avec les protocoles sanitaires et la distanciation, avez-vous réussi à organiser des visites conviviales ?
Virginie Petre : En tout cas, on a fait en sorte qu’elles le soient. On a mis en place plusieurs mesures : on a accueilli les visiteurs à l’entrée avec du désinfectant pour les mains, on a adapté nos dégustations et on était aussi beaucoup dans la communication. Il y avait un vrai échange. Même si on devait porter le masque et s’organiser différemment, beaucoup de petits groupes étaient très contents de pouvoir venir. Ils pouvaient faire des choses différentes et se changer les idées. Malgré la situation, on a donc vraiment essayé de donner un petit côté sympa et détendu. On voulait que le public se sente bien. Nous, on était aussi très heureuses de les recevoir ! D’habitude, on est déjà très contentes de faire notre travail, mais là on se disait encore plus : « Ah chouette, une visite ! ». Actuellement, on a donc autant hâte qu’eux de pouvoir refaire des choses.
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Restreindre et surveiller les dépenses
MonASBL : De nombreuses ASBL sont impactées financièrement et doivent restreindre leurs dépenses…
Virginie Petre : Oui… Financièrement, c’est difficile. On doit faire très attention. Avant de programmer quoi que ce soit, on doit attendre de voir comment la situation évolue. C’est par exemple le cas pour la brochure 2021. Tous les ans, on en édite une nouvelle avec toutes nos visites et circuits disponibles. C’est une brochure papier, écrite en français et en néerlandais. On la distribue : on ne la vend pas. Etant donné que notre public est principalement composé de seniors, il important pour nous d’avoir une version papier qui reste disponible sur place sur un présentoir. On l’envoie également par mail aux différentes communes, associations et écoles partenaires.
MonASBL : Effectivement, ça doit être compliqué de travailler sur une version 2021 sans savoir ce qui sera réalisable…
Virginie Petre : Oui, malheureusement, je ne peux pas aller jusqu’au bout : on ne l’a pas encore envoyé pour la mise en page et l’impression. Elle coûte à peu près 2000€. Et en ce moment, il vaut mieux garder ces 2000€ pour payer les frais fixes. On préfère tenir coup le plus longtemps possible et rester debout. C’est important !
MonASBL : Avez-vous touché des aides d’urgence ?
Virginie Petre : Au niveau de l’ASBL, on a eu quelques aides. Mais ça reste très léger. La moutarderie Bister, gérée par Tourisme et Tradition, est reconnue comme attraction touristique. On a donc reçu quelques aides grâce à elle. C’est un gros plus ! Mais pour l’ASBL en elle-même, on a pas perçu grand-chose… On a reçu 3000€. Évidemment, les aides dépendent des ASBL et de leur taille : certaines ont donc pu être aidé davantage. Mais nous, avec ça, on ne va pas pouvoir tenir très longtemps…
MonASBL : Avez-vous peur pour la survie de Tourisme et Tradition ?
Virginie Petre : Aujourd’hui je n’ai pas peur, mais je fais attention. Je surveille les dépenses, je les limite au maximum et je ne paye que ce qui doit être payé. Je ne me projette pas sur d’autres frais. Que ce soit vis-à-vis des fanons ou vis-à-vis de la brochure : tout reste en suspend. On ne réalisera peut-être ces projets qu’au dernier moment, mais au moins ça ne sera pas de l’argent jeté par les fenêtres. La brochure 2020 n’a pas beaucoup servie. Elle est encore dans la réserve et quelques paquets vont sans doute partir à la poubelle…
MonASBL : Certaines ASBL ont opté pour un financement alternatif comme le crowdfunding…
Virginie Petre : On n’y a pas vraiment pensé. On ne sait pas trop si ça collerait à notre ASBL… Ici, on est une petite structure. Le public accepterait-il de donner ? Beaucoup de nos clients sont des autocaristes : ils sont dans le même état que nous… Ce n’est pas à eux qu’on va demander des dons. Il est aussi peu envisageable d’aller en chercher auprès des personnes plus âgées.
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« Le travail fait partie de mon équilibre »
MonASBL : Avec toute cette incertitude, quel est votre état d’esprit vis-à-vis des mois à venir ?
Virginie Petre : Tourisme et Tradition n’est composé que de deux personnes. On est toutes les deux au chômage… Au début, on se dit qu’on a plein de choses à faire. Mais après, quand vient un deuxième confinement, ça devient difficile. Au niveau du moral, il y a des hauts et des bas. Moi, j’adore mon travail, j’adore ce que je fais ! Il m’aide pour beaucoup de choses. Ca fait partie de mon équilibre dans ma vie de tous les jours comme dans ma vie familiale. Alors évidemment, le fait d’être sans activité n’est pas du tout agréable. J’essaye de me rendre utile en m’inscrivant en tant que bénévole dans des associations… Ça me permet d’exercer une activité, mais aussi d’être en contact avec des gens. Parce que c’est aussi ça qui me manque : le côté social. Quand on reçoit énormément de groupes comme nous, on est tout le temps en train de communiquer par téléphone, par mail, ou même physiquement. On partage, on échange, et c’est très important. Mais cette communication n’est plus là, alors c’est assez difficile… J’ai hâte de pouvoir reprendre tout ça !