C’est un revers pour la réforme de la taxe patrimoniale, près de deux ans après son entrée en vigueur. Dans son arrêt rendu ce jeudi 4 décembre, la Cour constitutionnelle annule une disposition du texte : celle prévoyant une exonération pour certaines associations et fondations. « Il s’agit d’une victoire partielle », commente Maitre Marc-Etienne Baijot, dont le cabinet Rivus a déposé une des sept requêtes en annulation auprès de la Cour, l’an passé.
Les motifs de la requête
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2024, la taxe patrimoniale est passée d’un taux d’imposition linéaire de 0,17% par an, à un mécanisme de taxation progressive, allant de 0,15% à 0,45% en fonction du montant du patrimoine. Ce système favorise les ASBL ayant un patrimoine inférieur ou égal à 250.000 euros. Pour les autres, la note peut être très salée. « Pour des fondations et des grosses ASBL, l’augmentation des taux représentent des montants importants, et certaines ont dû amputer plusieurs projets », raconte Maitre Marc-Etienne Baijot.
Si la hausse des taux est un enjeu important, les recours déposés par les avocats reposaient sur deux autres aspects de la réforme :
- le principe d'égalité et de non-discrimination : des ASBL et des fondations sont exclues de l’exemption partielle prévue dans le texte (soit une réduction de 62,3 % de la base imposable), alors qu’elles exercent des activités similaires aux structures exemptées. Par exemple, les centres d’archives privés peuvent bénéficier de ce régime spécial, contrairement aux bibliothèques publiques de droit privé constituées en ASBL.
- le principe de loyauté fédérale : les avocats estiment que le texte interfère avec l'autonomie fiscale des Régions.
Le débat politique est relancé
Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle n’a pas reconnu le deuxième argument. En revanche, elle estime que l’exemption partielle accordée à certaines structures est bel et bien « discriminatoire » et que les catégories de bénéficiaires ont été définies de manière arbitraire. Conséquence : cette disposition devra être annulée.
Pas question toutefois d’imposer un effet rétroactif et la mesure sera maintenue jusqu’au 31 décembre 2026. La raison ? La Cour constitutionnelle veut éviter de confronter, du jour au lendemain, les organisations visées par les exemptions à une charge fiscale trop lourde, en les obligeant à sortir de leur caisse les compléments qu’elles n’ont pas payé en 2024 et 2025, explique Maitre Marc-Etienne Baijot.
De plus, ce délai laisse le temps au législateur de revoir sa copie, reprend l’avocat. Le gouvernement a deux options : soit il annule tout régime d’exonération et tout le monde est au même taux, soit il élargit le champ d'application des bénéficiaires. « En fonction de la teneur de la nouvelle législation, on pourrait très bien déposer un nouveau recours », prévient l’avocat, qui y voit la fin et le début d’un processus : « Ça force le débat politique ».
Caroline Bordecq