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FISCALITé 19 septembre 2024

Taxe patrimoniale : 60 ASBL se mobilisent contre la réforme

Les associations avaient jusqu’à fin juin pour déposer une requête en annulation auprès de la Cour constitutionnelle, contre la réforme de la taxe sur le patrimoine des ASBL. Sept recours ont été déposés, pointant notamment l’aspect discriminatoire de la nouvelle taxe.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2024, la réforme de la taxe patrimoniale sur les ASBL n’a pas fini de faire parler d’elle. Fin juin, sept recours ont été déposés au greffe de la Cour constitutionnelle pour réclamer son annulation. Soit une soixantaine d’ASBL qui se sont mobilisées.

Il faudra attendre « entre un et deux ans avant d’avoir un arrêt de la Cour constitutionnelle qui détermine si les recours déposés sont fondés ou non », dévoile l’avocat Marc-Etienne Baijot. Son cabinet Rivus a déposé une requête en annulation le 27 juin, pour une vingtaine d’ASBL.

Lire aussi : Taxe sur le patrimoine : voici comment faire sa déclaration

Les ASBL pourraient être indemnisées !

Si la Cour constitutionnelle va dans le sens des associations, alors les articles de la réforme seront annulés pour le futur. Et toutes les ASBL qui auront déposé un recours seront indemnisées. C’est-à-dire qu’elles recevront la différence entre le montant qu’elles auraient dû payer avec le taux prévu avant la réforme, et celui qu’elles ont payé avec les nouveaux taux.

Pour rappel, le principal changement apporté par la réforme est le passage d’un taux d’imposition linéaire de 0,17% par an, à un mécanisme de taxation progressive, allant de 0,15% à 0,45% en fonction du montant du patrimoine.

« Payer chaque année 0,45% de taxe, cela peut paraître insignifiant, mais cela représente des montants nominaux importants pour certaines ASBL. Et cette augmentation impacte leurs actions », observe Me Marc-Etienne Baijot. En effet, pour les grosses structures, comme Caritas, cela peut atteindre près de 100.000 euros par an.

De son côté, la Fédération professionnelle de bibliothèques et bibliothécaires (FIBBC) - qui s’est tournée vers le cabinet LMK pour déposer un recours - a estimé que le montant de taxe à payer passera de 80 euros à environ 3.200 euros, assure son secrétaire général Guy Marchal.

A noter : la réforme favorise les ASBL ayant un petit patrimoine. En effet, les patrimoines inférieurs à 50.000 euros ne sont pas taxés (le plancher étant de 25.000 euros avant la réforme) et le taux d’imposition est de 0,15% pour les patrimoines jusqu’à 250.000 euros (contre 0,17% avant la réforme).

Une réforme discriminatoire

Si l’augmentation des taux est un enjeu pour certaines ASBL, le recours déposé par le cabinet Rivus ne se repose pas sur cet aspect. Le cabinet s’est arrêté sur deux arguments :

1er argument : le principe d'égalité et de non-discrimination 

« Les articles 10 et 11 de la Constitution pointent qu’une législation, fiscale ou pas, doit traiter de la même manière des personnes qui sont dans une situation similaire. Sinon, il faut une justification objective, raisonnable et bien argumentée », expose Me Baijot.

Dans le cadre de la réforme de la taxe patrimoniale des ASBL, un système d’exemption - totale ou partielle - a été mis en place pour certaines associations et fondations. « Nous disons que ce système est contraire au principe d'égalité et de non-discrimination de la Constitution. Sachant que nous n'avons pas reçu d’explication suffisamment forte du législateur », continue l’avocat. Un point qui avait par ailleurs été soulevé par le Conseil d’Etat en décembre 2023.

Par exemple, si une institution de recherche universitaire est exemptée de la taxe, ce n’est pas le cas d’ASBL comme la Ligue Belge de la Sclérose en Plaques.

Un argument également défendu par la FIBBC. Guy Marchal évoque le cas des centres d’archives privés qui bénéficient d’un régime spécial, contrairement aux bibliothèques publiques de droit privé constituées en ASBL. Ce sont pourtant « des secteurs voisins », s’étonne-t-il.

Pourquoi certains secteurs ont été exemptés ? « Nous pensons qu’il y a eu des groupes de pression, du lobbying de certains secteurs car cette réforme pèse sur le budget des ASBL », analyse Me Baijot.

2ème argument : le principe de loyauté fédérale

Ce principe implique que le Fédéral, les Communautés et les Régions doivent respecter les compétences des autres pour éviter les conflits. Certes, « cette taxe patrimoniale a été introduite en 1921 par le législateur fédéral, mais entre-temps le droit des successions a été régionalisé. Ainsi, nous disons que la réforme de 2023 - qui est fédérale - interfère avec l'autonomie fiscale des Régions », analyse Me Baijot.

Pourquoi les associations paient-elles une taxe patrimoniale ?

Lorsque le législateur a accordé la personnalité juridique aux associations, en 1921, il a donné la possibilité d’injecter de l’argent dans les ASBL et les fondations. « Toutefois, comme les ASBL ne meurent jamais, cela représentait un manque à gagner pour les caisses de l’Etat belge », explique l’avocat.

En effet, si l’on prend l’exemple des individus, à chaque génération il y a une rentrée pour le Trésor, puisque lorsqu’une personne décède, des droits de succession sont versés à l’Etat. Chose impossible pour les associations. C’est donc pour pallier ce manque à gagner que le législateur a instauré une taxe compensatoire des droits de succession, plus connue sous le nom de taxe patrimoniale.

Pas de quoi convaincre le secrétaire général de la FIBBC Guy Marchal, qui conteste « le principe même de cette taxe. Si les ASBL ne sont pas là pour faire des bénéfices, il n'y a pas de raison qu’on taxe leur patrimoine », conclut-il.