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VIE ASSOCIATIVE 6 mai 2022

Deux ans de crise COVID : où en sont les ASBL ?

Depuis deux ans, les ASBL sociales, culturelles, sportives, de santé... répondent aux besoins croissants de la société tout en assurant leur propre survie. À quel prix ? MonASBL.be tente de dresser un bilan de la crise sanitaire.

Après deux ans de pandémie, il y a bien un constat rassurant : le secteur associatif n’a pas fait face à une disparition massive de ses organisations. Pas comme on ne le craignait. « En 2021, nous avons eu trois ou quatre associations sur nos 500 membres qui ont été en faillite ou liquidation. Pour 2022, on n’a pas encore une vue très claire mais très peu envisagent d’arrêter leur activité », constate Rose Marie Arredondas, coordinatrice générale de la CODEF, une fédération multisectorielle des employeurs du secteur associatif.

Ce résultat est le fruit d’une série de mesures activées pendant la crise, comme le maintien des subventions par les pouvoirs subsidiants ou encore le chômage temporaire, qui ont agi comme une soupape de sécurité.

Les chiffres du Fonds de Fermeture des Entreprises (FFE), un fonds chargé de payer des indemnités aux travailleurs qui sont victimes de la fermeture de leur entreprise (dont les ASBL), permettent de faire le même constat. « Il n’y a pas eu de tendance forte de licenciements. Il y a des tendances marginales de cessation d’activité mais pas fondamentalement différentes de celles avant la crise », analyse Mehmet Saygin, conseiller juridique au sein de l’UNISOC, organisation reconnue comme la représentante des entreprises à profit social belges. Et de continuer : « Ça permet d’être positif et rassurant sur la gestion et la pérennité du personnel mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de situation de drame. Cela veut juste dire que ce n’est pas un phénomène d’ampleur ».

Et en effet, face à la crise, toutes les ASBL n’ont pas été égales. Pour Cathy Thomas, directrice artistique au sein du Théâtre le Fou Rire, le COVID a signifié se séparer d’un précieux binôme. « Cette personne avait démarré en tant que stagiaire, puis comme étudiante. Elle a beaucoup travaillé à mes côtés et c’était une perle ! On allait l’engager à mi-temps à l’aube de la crise mais on n’a pas pu. Elle a donc fini par trouver un emploi en temps plein en tant que professeure », raconte-t-elle.

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« Les caisses sont vides ou presque. On repart à zéro »

Aujourd’hui, entre l’école d’art, les spectacles et le lancement de nouveaux ateliers pour les jeunes adultes, les activités de l’ASBL battent leur plein. Toutefois, Cathy Thomas ne peut toujours pas se permettre d’engager un.e salarié.e. « Il faut qu’on tienne cette fréquence mais les caisses sont vides ou presque. On repart à zéro ! On vient de demander une troisième tranche d’aide auprès du cabinet de Bénédicte Linard (en 2021, deux aides ont été accordées aux ASBL non-subventionnées, allant de 2.500€ à 25.000€, ndlr) », explique la directrice artistique.

Selon Rose Marie Arredondas, de nouvelles conséquences financières de la crise pourraient bien commencer à se faire sentir dès cette année. « Certaines mesures de soutien sont arrêtées ou vont s’arrêter donc les ASBL redéployent des activités mais sans les financements qui suivent ». La situation se complique d’autant plus avec l’augmentation de coûts, dont ceux de l’énergie, qui n’épargne pas les ASBL. « Depuis octobre dernier, on en est aussi à la 4e indexation de salaire pour la plupart des secteurs et l’indexation des subventions n’est pas prévue en lien avec celle des rémunérations. A partir des informations transmises par nos membres, on a calculé en moyenne une augmentation de 11% du budget depuis octobre 2021 », continue la coordinatrice générale.

Conséquences : à part pour les associations déjà bien lancées, « on voit peu de projets émerger au niveau des associations qui préfèrent maintenir ceux existants », estime Rose Marie Arredondas.

Des secteurs encore sous pression

Au-delà de l’aspect financier, l’autre conséquence de la pandémie est une grande fatigue générale et les difficultés organisationnelles qui l’accompagne. « Il y a encore beaucoup de gens malades, d’absentéisme, des équipes épuisées. Les aides à domicile et les crèches, par exemple, n’en peuvent plus car il a fallu faire beaucoup de remplacements... », analyse la coordinatrice de la CODEF.

Même constat auprès de l’UNISOC. « Il y a encore beaucoup de pression, on le ressent dans les soins de santé avec des personnes qui ont des problèmes psychosociaux. Il a fallu travailler dans des conditions difficiles, dans des secteurs où il manquait déjà du personnel », constate Michaël De Gols, directeur de l’UNISOC. Selon lui, la crise COVID aura toutefois permis de mettre en lumière l’importance de ces secteurs jusqu’alors trop souvent considérés comme « évidents. C’était juste normal qu’ils existent ». Et de continuer : « Cela a permis, surtout dans la santé, de libérer des fonds supplémentaires pour engager du personnel et augmenter la qualité de l’emploi. Même si pas tous les gouvernements ont suivi de la même façon », assure-t-il. Parallèlement, des mesures ont été mises en place pour soulager les équipes, comme le retour des pré-pensionnés, des crédits-temps, etc.

Toutefois, comme le souligne Michaël De Gols, la surcharge n’a pas pu être évitée et les défis restent encore très nombreux pour assurer un financement massif et pérenne permettant de faire face à la pénurie de personnel.

Depuis son théâtre, Cathy Thomas évoque également des difficultés à rebooster les équipes. « J’ai senti que ce n’était pas facile de s’y remettre, certain.es avaient le moral dans les chaussettes, une non-envie. Mais là on sent que tout revient à la normale », raconte-t-elle.

En tant que responsable, Cathy Thomas ressent également des effets de la crise sur elle-même. Elle parle d’un surmenage lié à un manque de temps, lui-même lié à un manque de moyens. « Le gros défi c’est de pouvoir trier les priorités entre ce qui rapporte de l’argent et tout ce qui est prestige et visibilité que je dois mettre de côté car ça me prend du temps. C’est une chose que je ne faisais pas avant », explique-t-elle.

La crise du COVID a donc obligé les ASBL à revoir leur mode d’organisation. À changer leurs habitudes. Un bouleversement positif pour certains aspects, estime Mehmet Saygin. Par exemple, « la crise a accéléré le processus de digitalisation des structures. Ça ne veut pas dire que désormais ça va se faire de manière automatique pour toutes les ASBL mais ça aide pour gagner du temps, toucher plus optimalement le public, les pouvoirs subsidiants, etc. », assure-t-il.

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Le passage au numérique a permis également à des ASBL de continuer – voire augmenter – leurs récoltes de dons. En effet, les derniers chiffres transmis par le SPF Finances et analysés par Donorinfo montrent une augmentation de la générosité des particuliers et des entreprises en 2020 (les chiffres sont relatifs aux attestations fiscales délivrées et concernent donc les ASBL agréées). Ce résultat est également le fruit de la décision du fédéral de porter la déductibilité des dons de 45% à 60%, justement pour favoriser la générosité en temps de pandémie. La mesure, qui n’est plus en vigueur, a été jugée si positive qu’une campagne a été lancée pour la restaurer.

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Passer de la gestion de crise à la prévention

En conclusion, si les ASBL ont pu survivre à la crise du COVID, c’est grâce à de la « débrouille, à l’intervention du législateur et la flexibilisation de dispositifs », résume Mehmet Saygin. Toutefois, selon lui, ce sont des pansements qu’on a mis sur des bobos. « C’est du bricolage. Maintenant, il faut sortir d’une politique de gestion de crise pour entrer dans une politique de prévention par rapport aux crises », continue-t-il.

Le conseiller juridique évoque alors des discussions au sein du Conseil National du Travail avec des partenaires sociaux pour mettre en place des cadres plus structurels notamment sur des dossiers comme le chômage temporaire. Le but étant de « ne pas devoir inventer une réponse urgente mais intégrer les leçons des crises gérées ou en gestion pour pouvoir répondre plus vite et plus efficacement aux nécessités qui résultent d’autres crises ».

D’autant qu’entre le climat, la guerre en Ukraine, les besoins sociaux croissants... la pandémie n’est pas la seule crise à affronter. « On vit dans un monde en mutation et on ne peut pas continuer à dilapider l’énergie collective dans l’urgence », assure Mehmet Saygin. Un constat partagé par Emmeline Orban, secrétaire générale de la Plateforme francophone du Volontariat.

Pour se préparer au mieux aux défis à venir, l’UNISOC insiste sur la nécessité de mettre systématiquement le non-marchand à la table des négociations. « On remarque que trop souvent, aussi bien pour le financement, que pour le droit du travail, le droit fiscal..., le réflexe de beaucoup de partis politiques est d’inclure les syndicats et les employeurs commerciaux. Mais ce n’est pas la FEB (Fédération des entreprises de Belgique) ou l’UCM (organisation patronale interprofessionnelle) qui doit parler pour nous », conclut Michaël De Gols.