Résumé des épisodes précédents.
On a rappelé dans cet article l’importance pour les associations de serrer leurs coûts, surtout les coûts fixes, et de diversifier leurs recettes, un exercice qui passe notamment par la confection du budget. On a vu qu’une des difficultés était de concilier son caractère impératif avec le besoin de souplesse requis par le niveau élevé d’incertitude qui affecte typiquement les recettes des ASBL. Certes, des possibilités existent pour donner cette souplesse au budget, en le rendant conditionnel ou adaptable en cours d’exercice, mais avant toute chose, encore faut-il qu’il existe.
Il n’est donc que temps de nous pencher sur la procédure d’élaboration du budget.
Les deux temps du budget : projection, volontarisme
Un « bon » budget s’élabore toujours en deux temps : celui des projections, puis celui du volontarisme.
Vient d’abord celui des projections élaborées sur la base des comptes, ou des comptes provisoires, selon le moment où elles sont établies.
Un exercice qui met en jeu votre connaissance de l’association, et des incertitudes qui l’affectent.
3 exemples pour illustrer l’éventail des possibilités:
- Si nous sommes fin octobre, nous pouvons prendre pour base 12 dixièmes des sommes dépensées dans l’année pour prévoir le budget suivant, augmentées de l’inflation attendue (le Bureau du Plan constitue une excellente source). Sauf pour les dépenses qui n’arrivent qu’une seule fois dans l’année, comme les assurances : pour celles-là, pas de douzièmes !
- Le personnel : penser à appliquer les prévisions d’indexation (toujours au Bureau du Plan). Si un saut d’index est attendu en juillet, les 2% d’augmentation de la moitié de l’année reviendront à ajouter 1% à la masse salariale de l’an dernier. Mais vous n’oublierez pas de prendre en compte les augmentations barémiques prévues par vos échelles de traitement.
- Certaines recettes ne sont prévisibles que pour les trois mois à venir. Si au 1er janvier, elles ne sont connues que jusqu’à fin mars, rien n’empêche de les multiplier par 3, en décomptant par prudence les mois d’été. Dans d’autres cas, c’est au contraire en été que les activités s’emballent : partez alors des chiffres de la saison écoulée.
Au terme de cet exercice, vous disposerez d’une projection raisonnée, pas encore d’un budget volontariste.
Extrapolation ou base zéro ?
C’est ici qu’il nous faut dénoncer la pratique répandue de faire du budget un point secondaire de l’assemblée, un point qu’on prépare et que l’on traite à la va-vite. L’expression courante « On a expédié le budget » dit bien ce qu’elle veut dire.
Cette pratique expéditive conduit souvent à appliquer un coefficient uniforme d’augmentation (ou, en cas de problèmes, de diminution) à chacun des postes de dépenses. Dans le passé, cette règle a souvent été appliquée par de grosses entités, publiques ou privées, en proie à des difficultés (-5% pour tous les départements), et si elle est moins en usage aujourd’hui, il reste de tenaces survivances.
Son mérite (mais c’est bien le seul), est de faciliter si besoin l’acceptation d’un plan d’assainissement, puisque tout le monde est logé à la même enseigne. En revanche, elle peut être désastreuse dans la mesure où elle contribue à figer une structure s’il s’avère que c’est précisément cette structure qui est à l’origine des difficultés.
C’est pourquoi, dans les années 70, a été développée la technique du Zero Base Budgeting, en français, budget à base zéro. Soyons de bon compte, le cœur de cette méthode se résume au dos d’un timbre-poste, même si des techniques sophistiquées (et souvent lourdes) ont été inventées pour la mettre en place dans les grandes entités pour lesquelles elle a été conçue.
ZBB : de quoi s’agit-il ?
- Le principe de base du budget à base zéro est que toute dépense doit être réévaluée intégralement à chaque budget quant à son utilité : on repart donc de zéro, et non du compte précédent ou de sa projection sur l’année à venir.
- L’idée est aussi de ne pas évaluer ces dépenses séparément, mais toujours en fonction d’un même objectif. Chaque euro dépensé est vu comme un investissement et évalué en fonction de la stratégie convenue.
Harmoniser les priorités
Transposé aux ASBL, l’enjeu est donc, pour leurs dirigeants, de créer au sein de leur association une culture de la réduction des coûts, qui vise surtout la maîtrise des dépenses de communication et des frais généraux, auxquels la méthode s’applique le plus aisément. Il s’agit aussi d’y harmoniser les priorités, plutôt que de traiter « vu du haut » chaque problème séparément.
Si la priorité consentie est la communication avec les membres, la question sera peut-être de choisir entre le plateau de Pâques du personnel et le plateau de fruits frais à l’accueil des visiteurs. Ou s’il s’agit des donateurs, d’arrêter de saturer le site d’informations qui ne les intéressent que moyennement et réserver ses énergies pour les appeler personnellement.
On parle désormais d’optimisation et non plus de réduction des coûts. Certains débours vont devoir être réduits à néant, mais d’autres conservés, voire augmentés. La démarche postule donc une mise à distance vis-à-vis des projections comptables.
Elle postule aussi une approche participative - ou intégrative- des différents départements, plutôt qu’une approche autoritaire : le budget n’est pas que l’affaire de la hiérarchie.
Ce qui rend la méthode intéressante est moins la souplesse qu’elle introduit dans la confection du budget que le fait qu’elle ouvre la voie à une redéfinition du « business model » de l’association. Elle l’ouvre à la réflexion permanente, elle introduit le doute pascalien dans l’organisation. Une remise en cause exigeante, mais payante.
Marc Thoulen, expert MonASBL.be