Les ISBL représentent 12,6% de l’emploi salarié total en Belgique. Soit 497.400 salariés. Ces données, qui ont été publiées par la Fondation Roi Baudoin quelques mois après le début de la pandémie, rappelle l’importance du secteur non-marchand au sein de la société belge. Ce dernier est incontestablement un puissant pourvoyeur d’emplois. Mais dans quelles conditions ?
« Les financements facultatifs sont horribles pour le droit du travail »
Les nombreuses ASBL interviewées par MonASBL.be ou encore par le Guide Social témoignent des mêmes difficultés quant à garantir un emploi stable à cause de l’incertitude des financements publics.
« Je n’ai pas choisi la précarité de l’emploi, qui est malheureusement la réalité de beaucoup d’entre nous : de nombreux emplois du non-marchand dépendent de subsides au futur incertain », témoignait MF, travailleuse sociale, pour le Guide Social.
Pour Fabienne Richard, directrice du GAMS Belgique (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles), « les financements facultatifs annuels sont horribles pour les droits du travail ».
Elle nous raconte avoir reçu en octobre 2019 la confirmation d’un subside qui était rétroactif à partir de janvier de la même année et ce, sans que personne ne la prévienne. « Nous avions déjà licencié la personne le 31 décembre 2018 puisque nous n'avions pas reçu la convention et dix mois plus tard on apprend qu'on aurait pu la garder ». Et de continuer : « Comme on n’a pas les reins assez solides pour payer les préavis après la fin du projet subsidié, on est obligés d’envoyer des préavis à titre conservatoire avant la fin du projet, et si finalement il y a une bonne nouvelle on les déchire. Depuis que je suis directrice d’ASBL, je n’ai jamais passé des vacances de Noël tranquille, c’est l’éternel angoisse de savoir si nos subsides facultatifs vont être reconduits l’année suivante ».
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Davantage d’emplois à temps partiel
L’étude menée par l’Association Paritaire pour l’Emploi et la Formation (APEF ASBL) donne une photographie de l’emploi dans le secteur du non marchand. Parmi les conclusions on note que 50,4% des travailleurs et travailleuses sont à temps plein. Un peu plus de 25% sont proches du mi-temps et plus d'1/5ème ont un temps de travail entre 66 et 99%. En comparaison, en 2020, 72,6% de l’ensemble des salariés (secteurs marchand et non-marchand) étaient en temps plein.
Les données de Statbel ne distinguent pas les activités marchandes et non marchandes. Toutefois, on peut noter que 49,4% des salariés de la « Santé humaine et action sociale » et 35,9% de ceux du secteur « Arts, spectacles et activités récréatives » sont en temps partiel. Pour rappel, la santé et l’action médico-sociale totalisent 70,5% de l’emploi salarié global des ISBL.
Des salaires inférieurs à la moyenne
L’autre point-clé en matière d’emploi dans le secteur non-marchand se trouve au niveau des rémunérations. Selon une étude de la Fondation Roi Baudoin, le salaire des organisations du non-marchand est inférieur à la moyenne. « L’écart entre le salaire moyen dans le secteur des ISBL et dans le reste de l’économie, qui avoisine aujourd’hui les 15 %, a même eu tendance à légèrement se creuser durant la période étudiée », allant de 2009 à 2017.
« Je n’ai pas choisi de recevoir un salaire qui me permet à peine de garder la tête hors de l’eau et qui, très ironiquement, est relativement proche des revenus de nos bénéficiaires … Le travailleur social ne sera jamais riche, c’est une évidence. Ce sont des métiers mal payés et où se plaindre de sa rémunération est mal vu », témoignait de nouveau MF, sur le Guide Social.
Aussi, il n’est pas rare d’entendre des témoignages de responsables d’ASBL qui parviennent à obtenir des fonds permettant de se payer un mi-temps, même si elles ou ils travaillent en réalité à temps plein.
Les femmes, les premières impactées
Derrière ces chiffres se cache un problème de fond : les femmes sont les premières impactées. En effet, selon les données Statbel, en 2017 plus de la moitié des femmes occupées (52,6%) exerçaient un emploi dans le secteur non-marchand. Ainsi, au-delà de l’emploi dans ce secteur, c’est l’emploi féminin qui est fragilisé.
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Si les femmes travaillent davantage dans ce secteur, elles y sont également plus nombreuses que les hommes. Et pourtant, leur régime de temps de travail est en moyenne plus faible que ces derniers, note l’étude de l’APEF. « Alors qu’à peine un peu plus d’un quart des hommes travaillent à temps partiel, les femmes sont près de 60% à travailler selon ce régime ».
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À l’occasion de la journée du 8 mars 2021, la CNE a publié une enquête sur les conditions de travail des femmes du secteur socioculturel. Parmi les données qui en ressortent, on note, entre autres, que 20% des travailleuses déclarent ne pas gagner assez pour vivre chaque mois et que 45% travaillent à temps partiel dont plus de 30% de manière involontaire.