« Le syndrome Gilles de la Tourette est une maladie neurologique héréditaire dont les principales caractéristiques sont les tics, des sons et des mouvements involontaires et incontrôlables. Le syndrome de la Tourette est une affection complexe (…) Jusqu'à 85 % des personnes atteintes du SGT présentent également des troubles et des caractéristiques concomitants, notamment le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH), le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) et l'anxiété », peut-on lire sur le site de l’ASBL Tourette Action, une association très active au Royaume-Uni.
C’est au sein de cette ASBL que le Docteur Seonaid Anderson a mené une recherche sur le Syndrome Gilles de la Tourette et sur les autres affections du spectre des troubles tics. En arrivant en Belgique, il y a près de 10 ans, cette spécialiste en neurodiversité a très vite dû constater qu’il n’y avait aucune structure en Wallonie pour les personnes atteintes du SGT.
Ses conseils pour créer la branche francophone ou néerlandophone d’une ASBL
MonASBL : Quand et comment l’ASBL « Iktic » a-t-elle développé son pendant en Wallonie « Jetique »?
Seonaid Anderson : L'ASBL Iktic existe déjà depuis 2014 en Flandre. Elle a été fondée à Gand, mais est maintenant basée à Elverdinge. L'ASBL a été créée en partie par Monique Verstraeten et d'autres parents, ainsi que par des jeunes atteints de SGT. Au fil du temps, l’association a grandi et s’est professionnalisée. Mais l’absence de structure équivalente à Bruxelles et en Wallonie se faisait de plus en plus sentir. Or, comme le dit si bien Monique Verstraeten, le syndrome ne s’arrête pas à la frontière linguistique.
Que répondre aux parents d’enfants atteints du syndrome en Wallonie qui cherchent de l’aide dans le sud du pays ? La fondatrice d’Iktic a été confrontée plus d’une fois à cette situation. Elle a vu certains parents vraiment désespérés qui devaient se tourner vers la France pour obtenir de l’aide.
Le syndrome est vraiment méconnu en Wallonie. Et pourtant le SGT n’est pas rare puisque 1% de la population belge en souffre. Cette maladie a la même prévalence que l'autisme et les personnes qui en sont atteintes sont souvent très démunies, par manque d'information. Personnellement, je vois des personnes présentant des tics partout : dans les villages, dans les écoles, je vois souvent des clignements des yeux, des reniflements, des mouvements du cou ou encore des tics vocaux.
Il y a donc un important travail de sensibilisation à réaliser en Belgique : le pays a vingt ans de retard par rapport à l’Angleterre. La Belgique manque d’une clinique spécialisée dans les tics et devrait investir dans la recherche sur le SGT.
Selon une étude scientifique réalisée par une clinique suédoise, les personnes atteintes du SGT présentent un risque plus élevé de suicide. D’où l’importance de sensibiliser les professionnels de la santé et la population de manière générale.
"Inspirez-vous des bonnes pratiques de l’ASBL-mère et prenez exemple sur les autres associations actives dans le même secteur"
MonASBL : Comment avez-vous rejoint cette ASBL, depuis votre écosse natale ?
Seonaid Anderson : J’ai rejoint l’ASBL en 2021 en tant qu’administratrice. Je suis en effet écossaise mais je réside à présent en Belgique, à Durbuy. Par le passé, je travaillais dans un hôpital londonien bien connu, the Great Ormond Street Hospital. C’est dans le cadre de cette mission que j’ai vu pour la première fois des personnes atteintes du Syndrome Gilles de la Tourette. J’ai travaillé ensuite pour une ASBL en Angleterre « Tourettes Action » (lien : https://www.tourettes-action.org.uk/) comme responsable de recherche.
En parallèle, je suis psychologue de recherche agréée et consultante indépendante en neurodiversité (lien : https://www.neuro-diverse.org/ ). J'ai une longue expérience dans les troubles du développement neurologique. J'apporte mon soutien aux professionnels de la recherche à chaque étape du processus de recherche et aux experts de la santé dans leur travail clinique (particuliers, universités, secteur public). Je fournis des conseils spécialisés et une orientation sur le traitement et la gestion d'une série de maladies neurodéveloppementales telles que les troubles du spectre autistique (TSA), les troubles de l'attention avec hyperactivité (TDAH), les troubles tics comme le syndrome de Tourette, la dyslexie et la santé mentale.
MonASBL : Quels sont les points d’attention lorsque l’on souhaite donner vie à la petite sœur d’une ASBL ?
Seonaid Anderson : C’est d’abord primordial d’identifier un besoin et de pouvoir ensuite s’appuyer sur des personnes désireuses de s’investir dans le projet. Avec Camille et d’autres personnes qui ont le Syndrome Gilles de la Tourette, nous avons commencé à développer l’association à Bruxelles et en Wallonie. Comme dans le nord du pays, notre objectif est de soutenir et de fournir des informations aux personnes atteintes du Syndrome de la Tourette ainsi qu’aux enseignants, aux professionnels de la santé et aux employeurs. L’information porte tant sur le SGT que sur les maladies qui peuvent l'accompagner. Le SGT n’est pas seul : il présente des tics mais il peut y avoir aussi d’autres comorbidités (les TDAH, l’autisme, Troubles Obsessionnels Compulsifs).
L’important quand on veut développer une nouvelle entité au départ d’une association existante, c’est de s’inspirer des bonnes pratiques de l’ASBL-mère mais aussi de prendre exemple sur les autres associations actives dans le même secteur. Je pense, en ce qui nous concerne, à la « Tourette Association of America » et à « Tourettes Action » au Royaume-Uni. L’ASBL Iktic est très dynamique et fait du très bon travail mais son action se concentre exclusivement en Flandre et tout est en flamand. Il fallait donc étendre son action à l’ensemble du pays.
Nous avons commencé à développer nos activités au printemps 2022 pour amorcer la Journée européenne du SGT du 07 juin. En février dernier, nous organisions notre première réunion « Bavardages des tics ».
"En Belgique, très peu de médecins connaissent bien ce syndrome"
MonASBL : En quoi consistent ces « Bavardages » ?
Seonaid Anderson : Tous les derniers jeudis du mois, nous organisons une réunion autour du Syndrome Gilles de la Tourette et des tics. Ces rencontres sont préparées et animées par Camille. ll s'agit essentiellement de discussions qui tournent autour des tics et qui s'adressent aux personnes qui ont des tics, à leur famille ou à toute personne intéressée. Mais parfois ces rencontres permettent, tout simplement, de faire connaissance, de délivrer des conseils ou d’être à l’écoute.
MonASBL : Qu’est-ce qui ressort de ces réunions ?
Seonaid Anderson : Nous remarquons que les personnes atteintes du SGT et leurs familles souffrent beaucoup d’isolement et de manque de ressources : généralement les parents ne savent pas vers qui se tourner. En Belgique, très peu de médecins connaissent bien ce syndrome. Nous recevons aussi beaucoup de demandes en lien avec la scolarité des enfants.
Les personnes qui présentent des tics viennent dans le but de rencontrer d’autres personnes qui comprennent et partagent leur réalité, ou pour trouver des astuces, ou encore pour nouer des relations d’amitié.
MonASBL : L’ASBL a lancé une action importante avec la création d'une carte d'identité pour les personnes atteintes du SGT. De quoi s’agit-il ?
Seonaid Anderson : Cette carte d’identité « Gilles de la Tourette » permet à son détenteur d'informer sur son état en cas de besoin et/ou de situations problématiques, de communiquer facilement sur ses symptômes, diagnostic à l'appui. Ce support offre une certaine sécurité ou un confort lors de certaines démarches ou lors de déplacements dans les lieux publics.
Cette carte a déjà été validée dans d'autres pays et est très utile pour expliquer, apaiser les réactions et rassurer l'entourage. Au Royaume-Uni, 100% des utilisateurs la recommandent et confirment qu'elle leur donne une confiance supplémentaire pour aller dans des endroits qu'ils évitaient auparavant.
Publiée en 4 langues, la carte Gilles de la Tourette est facile à utiliser. Son petit format permet de l’emporter avec soi dans son portefeuille ou dans une poche. Elle s’accompagne d’un pack de 25 cartes à distribuer à tout moment.
Pour demander une carte d'identité, vous pouvez envoyer un courriel à tanja@iktic.be.
Lina Fiandaca